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L'article provient de Le Journal de Montréal

Le cancer de l’utérus directement lié à l’obésité

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Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

2022-05-30T04:00:00Z
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La hausse dramatique de l’incidence du cancer de l’utérus observée au cours des dernières décennies est une conséquence directe de l’épidémie d’obésité.

Le cancer de l’endomètre, la muqueuse tapissant l’intérieur de l’utérus, est le sixième cancer gynécologique le plus fréquent, avec environ 417 000 nouveaux diagnostics effectués dans le monde en 2020. L’incidence globale de ce cancer est en progression fulgurante, avec une augmentation de 132 % au cours des 30 dernières années, principalement en Amérique du Nord où on observe actuellement les taux les plus élevés au monde (87 cas /100 000 femmes). Cette maladie touche principalement les femmes ménopausées (61 ans en moyenne) et le vieillissement de la population joue donc un rôle dans cette hausse d’incidence. Cependant, la proportion de femmes de moins de 40 ans atteintes par ce cancer a également doublé au cours des dernières années, ce qui indique que d’autres composantes du mode de vie moderne participent à la forte progression de ce cancer.

Étroitement lié au surpoids

Un de ces facteurs est le surpoids. De tous les cancers, celui de l’endomètre est en effet celui qui a le lien le plus étroit avec l’obésité : comparativement aux femmes de poids normal (IMC entre 18 et 25), le risque de cancer de l’endomètre est 5 fois plus élevé chez les femmes obèses (IMC supérieur à 30) et 20 fois plus élevé chez celles qui souffrent d’obésité morbide (IMC de 40). Le risque à vie de cancer de l’endomètre chez les femmes ayant un IMC supérieur à 40 kg/m est de 10 à 15 %, ce qui est équivalent au risque à vie de cancer du poumon chez les fumeurs1.

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Inflammation, estrogènes et insuline

Plusieurs raisons ont été proposées pour expliquer ce lien étroit entre le surpoids et le risque de cancer de l’endomètre :

1) L’inflammation. L’excès de graisse provoque une inflammation chronique (taux élevés de molécules inflammatoires comme l’IL-6 et le TNF-a, entre autres) qui, combinée avec une diminution de cellules immunitaires protectrices au niveau de la muqueuse utérine, crée un climat propice à l’acquisition de mutations pouvant initier un cancer au niveau de l’endomètre.

2) Excès d’estrogènes. En plus d’être proinflammatoire, l’obésité représente également un état
« hyperestrogénique », car les androgènes produits par les surrénales sont transformés par l’enzyme aromatase des cellules adipeuses en estrogènes. 

Les estrogènes stimulent la croissance des cellules de l’endomètre et il est bien documenté que les facteurs associés à une exposition accrue à ces hormones (règles précoces, syndrome des ovaires polykystiques, ménopause après 55 ans) augmentent le risque de cancer de l’utérus. 

Le déséquilibre d’estrogènes causé par l’obésité peut donc contribuer à l’impact du surpoids sur le risque de cancer de l’endomètre, en particulier chez les femmes ménopausées où l’absence de progestérone naturelle ne permet pas de contrebalancer l’impact de l’excès d’estrogènes sur la croissance des cellules de la muqueuse utérine.

3) Hausse de l’insuline. Une des principales conséquences métaboliques de l’obésité est de perturber le métabolisme du glucose en diminuant l’efficacité de l’insuline. 

À court terme, la surproduction d’insuline par le pancréas permet de compenser ce problème, mais la hausse des taux d’insuline qui s’ensuit a plusieurs effets néfastes. Par exemple, l’hyperinsulinémie favorise la croissance des cellules de l’endomètre en augmentant la biodisponibilité des estrogènes et de l’IGF-1, un facteur de croissance qui active une voie oncogénique impliquée dans la prolifération des cellules de la muqueuse intestinale.

Globalement, on peut donc considérer l’obésité comme un état hyper-estrogénique, hyperinsulinémique et proinflammatoire qui favorise la croissance de l’endomètre, l’accumulation de mutations oncogéniques et, ultimement, le développement d’un cancer au niveau de cet organe. Un autre exemple des multiples déséquilibres engendrés par l’excès de poids et des conséquences sérieuses qui en découlent.

  • 1. Crosbie EJ et coll. Endometrial cancer. Lancet 2022; 10 333: 1412-1428.
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