Le Canada veut (enfin) devenir un pays!
Bienvenue dans le club des nations qui veulent exister!


Richard Martineau
Vous souvenez-vous du temps où le Canada n’avait pas d’identité?
Un Canadien, à l’époque, se définissait par ce qu’il n’était pas.
Pas un Américain.
Pas un Britannique.
Pas un Québécois.
Un pays sans véritable identité.
Une Charte des droits, disait Trudeau père.
Le premier pays postnational au monde, renchérissait Trudeau fils.
Un Airbnb, un hôtel.
Un hall de gare.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Planter son drapeau
Il aura fallu que Trump menace d’annexer le Canada pour que ce pays, soudainement, découvre qu’il existe.
Le Canada? Mais c’est Mike Myers!
(Un Canadien, en passant, qui vit aux États-Unis depuis des décennies.)
C’est la CBC, Tim Hortons, le hockey, The Tragically Hip!
Et c’est, oui, la monarchie, que les Américains ont jetée dehors à coups de mousquet!
Vive le Canada!
Vive la feuille d’érable!
Le Canada, qui a toujours considéré le nationalisme québécois comme une sorte de cancer, se pète maintenant les bretelles, bombe le torse et plante son drapeau partout, sur les autos, les t-shirts, les tuques.
«C’est l’antisémite qui crée le Juif», disait Jean-Paul Sartre dans Réflexions sur la question juive.
En d’autres mots: le Juif se découvre Juif quand l’autre, qui le déteste, l’appelle «Juif».
Eh bien, on pourrait dire la même chose à propos des Canadiens.
C’est quand on le traite de «Canadien» que le Canadien sait qu’il est canadien.
Sinon, il ne le saurait pas.
C’est notre ennemi qui nous désigne.
Rien de mieux qu’un ennemi qui veut nous détruire pour découvrir qu’on existe.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Un pays est un rêve
Samedi, je suis allé entendre Salman Rushdie au Festival littéraire Metropolis bleu.
Le grand écrivain d’origine indienne – qui, comme tout le monde le sait, fait l’objet d’une fatwa lancée par des fous d’Allah – disait qu’à la base de tout nationalisme, il y a une fiction, un rêve.
Une nation est un regroupement de gens qui décident de faire le même rêve tous ensemble.
À la base, l’Inde était un rêve, disait Rushdie. Des gens ont dû rêver l’Inde pour que l’Inde commence à exister.
Idem pour les États-Unis, la France, Israël, la Palestine.
En fait, pour tous les pays.
L’Italie était à la base une série de royaumes, de fiefs, chacun avec sa langue, sa culture, ses coutumes. Et puis, Garibaldi a rêvé de l’Italie, et l’Italie s’est mise – comme par magie – à exister.
C’est beau, non?
C’est ce que font les souverainistes québécois: ils rêvent d’un pays et maintiennent ce rêve en vie, ils travaillent pour que ce rêve devienne réalité.
À la fin de la présentation de Rushdie, une journaliste de Montreal Gazette a demandé à l’écrivain s’il trouvait que la naissance du nationalisme canadien était une bonne ou une mauvaise chose.
Le Canada n’était-il pas mieux lorsqu’il ne savait pas ce qu’il était? N’était-ce pas ça qui rendait ce pays si distinct, si spécial: ce flou, cette absence d’identité? Le fait que les Canadiens ne ressentaient pas le besoin de brandir leur drapeau à tout bout de champ?
La question est intéressante.
Moi, je n’ai qu’une chose à dire aux Canadiens: «Bienvenue dans le club des nations qui tiennent à leur existence!»