Le Canada toujours libéral
Une victoire libérale au Canada, c’est ce qu’on appelle la normalité


Mario Dumont
Je sais qu’il est de bon ton de s’interroger à haute voix sur la santé de la démocratie aux États-Unis. Avec Trump prêt à contester les résultats et à bafouer les institutions, il y a certainement quelques bonnes questions qui se posent.
Or faut-il croire que la démocratie est tellement plus en santé au Canada? La mesure numéro un de la démocratie, c’est l’existence d’une saine alternance quant au parti politique qui forme le gouvernement. Ce n’est pas vraiment le cas au Canada depuis 100 ans.
C’est la quatrième fois en un siècle que les libéraux obtiennent un quatrième mandat consécutif. Quatre victoires électorales de suite, c’est énorme. À deux occasions, les libéraux se sont rendus à cinq!
Le cas du Canada est assez unique. Aux États-Unis, la présidence entre les mains du même parti pour quatre mandats, ce n’est jamais arrivé depuis Roosevelt et la Deuxième Guerre mondiale. Au Royaume-Uni, c’est survenu une seule fois avec le phénomène Margaret Thatcher.
Le Canada est une démocratie où la normalité consiste à voir le Parti libéral gagner les élections et gouverner. Un autre scénario doit être vu comme une exception. Dans des circonstances exceptionnelles, avec un chef exceptionnel, les conservateurs parviennent exceptionnellement à gagner.
Il n’y en a eu que trois de ces exceptions depuis la Seconde Guerre mondiale. La parenthèse Diefenbaker ainsi que les épisodes Mulroney et Harper. Dans cette période de près d’un siècle, les libéraux ont conservé le pouvoir pendant 65 années sur 90. Et Mark Carney allonge désormais cette séquence.
Rouge mur à mur
Puisqu’un nouveau premier ministre libéral est rarement battu après un seul mandat, imaginons que Mark Carney s’installe maintenant au pouvoir pour une période de quelques années. Les conséquences pour le pays vont plus loin que la faible alternance.
Au terme de cette longue période, soit quatre ou cinq mandats de pouvoir libéral, il ne restera plus un haut fonctionnaire au Canada qui ne soit pas libéral, pas un ambassadeur ou un haut diplomate qui n’ait pas été désigné par les libéraux. Il ne restera essentiellement qu’une poignée de juges au pays qui n’aient pas été nommés par les libéraux. Le pays devient libéral jusque dans sa fibre.
La conséquence de si longs passages au pouvoir est connue: si les électeurs décident un jour d’élire un premier ministre non libéral, ce dernier est menotté. Il a la garantie que ses premières années seront sabotées. Ses secrets seront coulés aux médias, ses projets vont partir de travers. Brian Mulroney, qui a succédé à 16 ans de régimes libéraux, en a souvent témoigné.
Le Canada, une démocratie en santé? Davantage si vous êtes un fervent libéral.
Les conservateurs
Malgré cette tendance du pays à toujours voter libéral, le Parti conservateur du Canada porte une responsabilité pour sa défaite. Ce parti réclamait des élections depuis un an mais n’était finalement pas si prêt. De surcroît, le chef a négligé de réunir une équipe convaincante qui donne au public l’image d’un gouvernement en devenir. Il faudra faire plus.