Le Canada résistera-t-il à l’attraction des É.-U.?


Guy Fournier
Le «Elbows up!» lancé par Mark Carney nous a-t-il rendus moins dépendants des Américains?
Comme les Québécois, des milliers de Canadiens anglais ont réduit (momentanément!) leurs achats chez Amazon. Comme Michel Tremblay et quelques-uns de mes amis fortunés, plusieurs ont vendu leur propriété en Floride. Des milliers ont décidé de ne plus traverser la frontière américaine, à moins d’une raison majeure. Des millions, quelle que soit leur origine, ont déchiré leur chemise d’indignation lorsque Donald Trump a menacé de faire du Canada son 51e État.
Mais rares, très rares même, sont les anglophones qui ont changé leurs habitudes «culturelles». Sur leurs tablettes et leurs téléphones, on trouve toujours les mêmes abonnements aux grands quotidiens américains. Ils regardent encore presque uniquement les séries américaines et les émissions américaines, diffusées d’ailleurs sur nos réseaux canadiens! Si on se fie aux derniers sondages BBM ou Numeris, aucun Anglo n’a changé ses habitudes d’écoute. Bien au contraire, les réseaux d’information comme CNN n’ont jamais été aussi populaires au Canada anglais.
What is Canada?
Dans un essai publié la semaine dernière, l’auteur Elamin Abdelmahmoud, qui anime l’émission Commotion à la radio de la CBC, a demandé à des personnalités canadiennes une question bien simple: «What is Canada?» («Qu’est-ce que le Canada?»)
Comme il se doit, Margaret Atwood, qui est de tous les combats, fut la première interrogée. «En 1963, lorsque je travaillais pour une maison de sondage, la majorité des personnes interrogées ont répondu qu’il n’y avait pas de différence entre le Canada et les États-Unis. Mais dans le même souffle, tous répondaient non à la possibilité que le Canada se joigne aux É.-U.!» Selon Margaret Atwood, même à cette époque, les Canadiens jugeaient qu’il y avait une certaine différence entre les deux pays, mais ils ne pouvaient pas expliquer laquelle!
Carol Off, longtemps animatrice de l’émission As it Happens à la CBC, est plus directe. Selon elle, l’attraction des États-Unis est trop grande et les Américains sont trop riches pour qu’on puisse résister à l’assimilation!
Quant à la romancière d’origine chinoise Jen Sookfong Lee, qui vit à Vancouver, elle espère que le Canada deviendra la «terre dorée» que souhaitait rejoindre son grand-père lorsqu’il quitta sa terre d’Asie. «J’ose espérer que c’est le Canada que connaîtront mes enfants et mes petits-enfants!»
Un pays très vulnérable
Lorsqu’on termine cet essai dont le titre principal emprunte les mots de Mark Carney: «Elbows Up!», difficile de ne pas être pessimiste. À le lire, on a l’impression qu’à plus ou moins long terme, le Canada finira par devenir un État américain. Toutes les personnalités interrogées concluent que notre pays est très, très vulnérable.
Quand je constate le nombre croissant de Canadiens qui s’abonnent à Netlix, Disney et cie, que je vois les cotes d’écoute affligeantes des séries et des émissions canadiennes-anglaises et que je constate que tous les cinémas (à part quelques-uns au Québec) n’affichent que des blockbusters américains, je ne crois pas que le Canada puisse survivre à notre siècle.
Qu’en sera-t-il du Québec?