Le Canada possède une partie de l’Europe
La moitié de l’île Hans, au nord du Groenland, est canadienne depuis 2022


Mathieu-Robert Sauvé
En s’entendant avec le Danemark en 2022 pour se séparer l’île Hans, au nord du Groenland, le Canada a procédé à sa première expansion territoriale depuis l’annexion de Terre-Neuve en 1949.
«C’est un caillou minuscule de la superficie de quelques terrains de football, mais cette demi-île revêt un caractère symbolique et même politique très fort», commente Stéphane Roussel, professeur à l’École nationale d’administration publique du Québec.

C’est le 14 juin 2022 que la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, et son homologue danois, Jeppe Kofod, signent les documents confirmant une entente intervenue entre les deux pays, mettant fin à un litige territorial qui durait depuis 50 ans.
À la signature du traité, la ministre a déclaré au Journal de Québec qu’il y avait moyen de résoudre des disputes territoriales de façon pacifique et se réjouissait de la fin de «la plus amicale de toutes les guerres».
M. Roussel renchérit. «C’était le seul conflit terrestre de l’Arctique. On a coupé la poire en deux et c’était la chose à faire. Le Canada en sort grandi», ajoute le spécialiste de la politique étrangère.

Schnaps et whisky
La présence humaine documentée sur cette île remonte à au moins 170 ans, alors que l’explorateur danois Hans Hendrix laisse son nom à ce rocher situé au beau milieu d’un canal entre le Groenland et le Nunavut canadien.
En 1880, le Canada obtient de la Grande-Bretagne les îles arctiques, mais l’île Hans semble avoir été oubliée dans le traité, de sorte que son statut demeure nébuleux pendant les décennies suivantes.
En 1984, un ministre groenlandais veut en finir et plante un drapeau danois au pied duquel il dépose une bouteille de schnaps du continent. À ce geste répondent des soldats canadiens qui déposent, eux, un whisky, à côté d’un inukshuk.
Ce «conflit amical» perdure jusqu’à 2022, les deux parties rejetant une proposition mitoyenne consistant à faire de l’île un espace sans État, une Terra Nullius au sens du droit international.

Territoire stratégique
Même si le Canada n’a pas de projet précis pour ce seul et unique territoire canadien en Europe où il n’y a aucun potentiel minier ou pétrolifère, son acquisition raffermit l’emprise canadienne dans l’Arctique, un enjeu majeur en ces années de turbulence politique.

«L’Arctique est un territoire revendiqué par plusieurs pays, on n’a qu’à regarder cette région du haut du globe», reprend M. Roussel.
En plus des États-Unis, la Russie et les pays de la Scandinavie ont l’œil tourné vers le Grand Nord.
Quant à en faire une porte d’entrée pour amener le Canada à joindre l’Union européenne, M. Roussel n’y croit pas. «Les Européens n’iront pas là», dit-il.