Mark Carney et Donald Trump visent un accord commercial «d'ici 30 jours»
Le fossé semble encore énorme entre le Canada et lui en vue d’un nouvel accord sur le commerce

Guillaume St-Pierre – analyse
KANANASKIS, Alberta | Mark Carney et Donald Trump se sont entendus en marge du G7 pour arriver à un nouvel accord commercial dans les 30 prochains jours, juste avant que le président américain décide de quitter à la hâte afin de gérer le conflit explosif entre l’Iran et Israël.
Le départ abrupt de Trump décevra à coup sûr plusieurs leaders qui se sont déplacés en Alberta expressément pour le rencontrer, dans le but d’aborder la guerre tarifaire mondiale qu’il a déclenchée.
« À cause de ce qui se passe au Moyen-Orient, le président Trump va partir ce soir [lundi] après le dîner » avec les autres dirigeants du G7 au Canada, un jour plus tôt que prévu, a indiqué sa porte-parole Karoline Leavitt sur le réseau social X.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit lui aussi se déplacer au Canada dans le cadre du sommet du G7 dans l’espoir de convaincre Trump d’être plus dur envers la Russie afin qu’elle accepte éventuellement un cessez-le-feu.
Trump, qui n’affichait pas la meilleure forme lundi, a annoncé son départ précipité peu après avoir écrit sur son réseau Truth Social : « Tout le monde devrait évacuer Téhéran [la capitale iranienne] immédiatement ».
Israël et l’Iran échangent barrages de missiles et menaces guerrières depuis cinq jours.
Selon le quotidien New York Times, les États-Unis songent à participer à l’offensive israélienne, au moment où les pays membres du G7 appellent plutôt à la désescalade.
Espoir pour le Canada ?
Pour le Canada, l’heure était toutefois à l’optimisme, sur le front des négociations commerciales avec les États-Unis.
Lumière au bout du tunnel ou illusion d’optique ?
C’est après avoir discuté des « pressions » sur les « travailleurs et les entreprises », entre autres, que les deux leaders ont convenu d’établir cet échéancier, selon le bureau du premier ministre canadien.
À l’heure actuelle, toutefois, le fossé semble encore énorme.
Trump semble marié à l’idée de ses tarifs, et pour le gouvernement Carney, la levée des droits de douane constitue un point non négociable.
Encore lundi, en lever de rideau du G7, Trump chantait les louanges de sa grande stratégie économique qui l’isole du monde entier.
« Je suis un gars de droits de douane, a-t-il lancé, comme s’il s’agissait d’une préférence pour une sorte de breuvage. C’est simple. C’est facile. C’est précis, et ça va très vite. »
Mark Carney, en revanche, « a une vision plus complexe, mais aussi très bonne », a-t-il ajouté.
51e État
Les deux partis se sont entendus pour ne pas négocier en public, la délégation canadienne se faisant avare de tous détails sur les points de tension.
« Je suis optimiste, mais pas naïf par le travail qui reste à faire », a résumé le ministre responsable de la relation canado-américaine, Dominic LeBlanc.
À commencer par convaincre Trump de cesser pour de bon de nous menacer d’annexion économique.
Questionné à savoir si le président avait évoqué l’idée d’un 51e État, le ministre LeBlanc a soigneusement évité de répondre directement à la question.
« Nous n’irons pas dans les détails d’une conversation privée », a-t-il lancé en point de presse.
Signe d’amitié
Trump portait tout de même à son veston, en signe d’amitié, une épinglette avec deux drapeaux côte à côte, le canadien et l’américain.
Un choix personnel de sa part et non un cadeau du pays hôte a tenu à préciser la délégation canadienne.
Difficile à suivre, ce président, dont les incohérences se sont multipliées lundi.
Il a accusé Justin Trudeau d’avoir comploté afin d’exclure la Russie de Vladimir Poutine du G7 il y a 10 ans.
Le hic ? C’est Stephen Harper qui était au pouvoir lorsque ce groupe sélect a rejeté la Russie en 2014 après l’invasion de la Crimée ukrainienne.
Plus tard, Trump est allé jusqu’à dire que ce ne serait pas une mauvaise chose si la Chine se joignait au G7, en oubliant qu’il regroupe des démocraties... comme l’Allemagne, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni.
Pari risqué
C’est un Mark Carney circonspect qui se tenait debout à côté de lui, les mains dans les poches, en écoutant le président délirer.
En établissant une échéance, le premier ministre canadien fait le pari qu’il peut dompter la bête, comme le cowboy sur son taureau au rodéo.
Il prend aussi le risque de perdre en crédibilité s’il échoue, puisqu’il vient de faire grimper d’une traite les attentes.