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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Le Canada est un pays souverain... qui a aussi un souverain

Photo Getty Images via AFP
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2025-05-28T04:00:00Z
2025-05-28T04:20:00Z
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Pour Mark Carney, dont c’était la décision, la livraison du premier discours du trône de son nouveau gouvernement par le roi Charles III a coché toutes les bonnes cases.

Avec subtilité et calme, le monarque s’est fort volontiers fait le messager royal de la feuille de route du premier ministre canadien pour son mandat.

Sous le thème de l’économie, obligé par les menaces de guerre commerciale du président Donald Trump, il a beaucoup parlé de la nécessité de tirer son épingle du jeu dans un monde devenu plus incertain.

«Aujourd’hui», dixit le roi, «le Canada en est à un autre moment décisif. Il nous faut confronter la réalité: depuis la Seconde Guerre mondiale, notre monde n’a jamais été aussi dangereux et instable. Le Canada fait face à des défis qui, dans nos vies, sont sans précédent.»

Dans la catégorie «le verre à moitié plein», il a néanmoins précisé que le Canada pouvait y voir l’occasion «d’entreprendre la plus vaste transformation de son économie depuis la Seconde Guerre mondiale».

Vaste programme en effet. L’importance politique de la venue du roi réside toutefois bien plus encore dans le non-dit de son discours rédigé en bonne partie, comme il se doit, par le bureau du premier ministre.

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Urgence de diversifier

Par sa seule présence, Charles III a montré à la communauté internationale et aux Canadiens que leur pays n’est pas seul face à la Maison-Blanche. Qu’en plus de la France et du Commonwealth, d’autres pays alliés existent.

Devant l’urgence nouvelle pour le Canada de diversifier ses marchés et ses rapports diplomatiques, ce n’est pas un détail.

Que l’on voie ou non la monarchie comme un bibelot coûteux et suranné, il n’en reste pas moins que la visite de Charles III permet de rappeler que la culture historique, politique, constitutionnelle et institutionnelle du Canada est profondément distincte de celle de son puissant voisin.

Comme quoi, dans le contexte volatil actuel, de se dire «pas américain» ne suffit plus. La réalité est que le Canada est un pays souverain... qui a aussi un souverain. Le paradoxe est ce qu’il est.

En surfant sur la vague de patriotisme provoquée par les menaces de Trump, le discours de Charles III était en fait ce qu’on appelle en anglais un pep talk pour Canadiens inquiets. Dans ce cas-ci, un pep talk royal.

Un pep talk royal

Ce faisant, le fils d’Elizabeth II a livré ce dont Mark Carney aura grand besoin dans les prochaines années. Principalement, en temps de crise, de tenter de concilier la myriade d’intérêts divergents entre le fédéral et les provinces.

Sans parler en plus de la résurgence du sentiment d’aliénation dans l’Ouest canadien, doublé de la possibilité d’une victoire du Parti Québécois à l’automne 2026 et d’un troisième référendum.

Le sachant, c’est pourquoi Mark Carney, par opposition à son adversaire conservateur Pierre Poilievre, s’est présenté aux électeurs comme un chef non seulement «économique», mais «rassembleur».

Or, dans un pays grandement diversifié et face à un président américain rapide sur la gâchette des tarifs douaniers, le dire est une chose. Le faire s’annonce nettement plus ardu.

La parenthèse de la visite royale refermée, le vrai boulot – celui de gouverner ce pays aussi en pleine crise du logement et de l’itinérance – commence maintenant pour Mark Carney et son gouvernement.

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