Le Canada, 51e État: pourquoi tout cela est une farce monumentale
Daniel Paillé, ex-député à l'Assemblée nationale et à la Chambre des communes
Le président des États-Unis a beau désirer que le Canada devienne le 51e État, son rêve est loin d’être réalisé, à commencer par chez lui. Il faudrait modifier quelques lois ou amender sa Constitution pour accepter ce nouvel État. À moins que ce soient ces nouveaux États. On y reviendra plus loin.
Advenant une demande du Canada (en un État fédéral ou en 12 États «ex-provinces»), il faudrait une approbation de 66,7% de la Chambre des représentants, soit au moins 290 votes. Présentement, il y a 218 républicains, c’est-à-dire tout juste 50,1%. De plus, les 100 sénateurs devraient aussi accepter le ou les nouveaux États par un vote, remporté par 67 sénateurs minimum. Les républicains occupent 53 sièges.
Ce n’est pas terminé pour autant, puisque 34 des 50 États actuels devraient accepter notre demande à 66,7% dans chacune de leur législature. Présentement, 28 États ont des gouverneurs républicains.
Au Canada
Afin de devenir des Américains, au sens plus «Great» du MAGA, encore faut-il que nous le voulions. Sans faire une analyse exhaustive de la Constitution canadienne de 1982, il serait logique de suivre la voie la plus restrictive pour défaire le Canada. Une telle modification constitutionnelle (soit son abolition) ne pourrait s’effectuer uniquement par une simple loi votée au Parlement du Canada.
Cette abdication vers les USA mériterait sans doute un accord unanime des provinces, d’autant que cela ne se ferait pas en un seul morceau, mais probablement en 12 morceaux différents, soit l’équivalent des 10 provinces et deux territoires.
Ainsi, il serait nécessaire que chacune des législatures provinciales et fédérales vote à la majorité absolue une question référendaire du genre: «Acceptez-vous que votre province devienne un État des USA?» Ensuite, il faudrait obtenir un résultat positif clair de la part des électeurs de chacun des futurs États.
Au Québec
Il faudrait donc que le gouvernement du Québec présente une loi pour tenir ce référendum et que l’Assemblée nationale y consente. Bonne chance.
Notons au passage que la Loi sur la clarté référendaire, votée en juin 2000 au Parlement du Canada, s’appliquerait sûrement. Bref, ce ne sont pas les recours qui manquent.
Finalement, le président Trump a-t-il pensé à l’hypothèse de voir arriver 12 nouveaux États aux USA avec environ 75 membres de plus au Congrès? L’ex-Canada aurait droit à 24 sénateurs (deux par ex-provinces et ex-territoires) et à une bonne cinquantaine de représentants, puisqu’ils sont calculés en fonction de la population.
Mais au cas où nos gouvernements et législateurs cèdent au chantage, faut-il rappeler que toutes les lois des Parlements au Canada doivent recevoir la sanction royale? En désespoir de cause, on pourrait aller jusqu’au palais de Buckingham et supplier le roi Charles III de nous préserver des griffes du roi Donald.
À bien y penser, la menace du 51e État est une farce monumentale. Arrêtons d’y prêter attention et gardons nos énergies sur les véritables menaces économiques et financières.

Daniel Paillé
Ex-député à l’Assemblée nationale et à la Chambre des communes