Vague d'amour pour Soeur Angèle
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Michèle Lemieux
À bientôt 87 ans, Sœur Angèle demeure infatigable. Présente aux premières loges lors des funérailles du pape François, elle rentre d’un voyage à Cuba où elle faisait la promotion du tourisme. Fidèle à elle-même, elle continue d’une manière admirable à donner de l’espoir aux jeunes par le biais de la fondation qui porte son nom. À l’occasion de ses 70 ans de vie religieuse, on lui a rendu un hommage des plus mérités.
Le 24 mai dernier, dans le cadre du 30eanniversaire de l’émission La victoire de l’amour, quelques 8 000 personnes s’étaient rassemblées au Centre Vidéotron à Québec. De nombreux invités ont défilé sur scène dont Mélissa Bédard, Guylaine Tanguay, Michèle Torr, Patrick Normand et Nathalie Lord, et des conférenciers ont inspiré la foule, notamment David Bernard et Martin Larocque
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À la fin de cette rencontre, Sylvain Charron, animateur de l’émission La victoire de l’amour, a rendu un vibrant hommage à sœur Angèle à qui Nathalie Lord et Patrick Norman ont remis un bouquet de roses blanches, et Sylvain, une plaque souvenir sur laquelle on pouvait lire: «Sœur Angèle, étoile de bonté et de partage, vous avez su toucher nos cœurs. Votre passion pour la vie, votre amour de dieu, votre joie contagieuse et votre sagesse resteront à jamais gravés en nous.» Avec la répartie que nous lui connaissons et émue par cette belle surprise, sœur Angèle a fait rire la foule en déclarant spontanément: «Je ne fais rien qu’à manger...»

Rencontrée à sa sortie de scène, la «fiancée de Jésus», comme elle se plaît à le dire, était encore sous le coup de l’émotion. «Je ne m’attendais pas à ça! J’ai fait 25 ans avec La victoire de l’amour. J’ai vu les débuts et la continuité.» Les gens dans la salle étaient visiblement heureux d’être les témoins de cette belle déclaration d’amour et lui ont démontré leur affection. «C’était émouvant, nous dit la principale intéressée. J’ai senti une grande vague d’amour. C’était inattendu. J’ai vraiment été émue... Je ne savais pas ce qui m’attendait aujourd’hui, mais je me suis laissé porter. Pourquoi s’en faire? Il faut parler avec son cœur...»
Sœur Angèle, qui rentre de deux voyages, en Italie et à Cuba, repartira au pays de ses origines où elle espère rencontrer le nouveau pape au Vatican. «Je vais accompagner un groupe en Italie, dit-elle. C’est probablement le dernier voyage que je vais accompagner. Les années avancent... et la vieille recule! (rires) J’aimerais beaucoup rencontrer le pape. Il est jeune: il a 68 ans. Il a été dans la pauvreté totale. Il ne pensait jamais être nommer pape. Il a eu un choc. Il a pleuré pendant une demi-heure dans la chambre des larmes. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait... À ce qu’il paraît, il est le pape à être resté le plus longtemps dans la salle des larmes.»

Sœur Angèle a mille et une anecdotes au sujet des papes: «C’est mon huitième, justifie-t-elle...Tout a commencé dans les années 50 en Italie avec Pie XII. J’avais 14 ans. Quand j’ai rencontré Jean-Paul 1er, je devais parler 10 minutes avec lui, mais nous avons discuté pendant une heure et demie... Il me parlait de ma mission. Pour lui, le Québec c’était ma mission. Ça fait 70 ans... Benoît XVI était comme un papa. Il était allé chercher le chapeau de Jean XXIII pour me faire plaisir. Il m’avait dit: «Vous êtes un temple d’énergie...» François quant à lui aimait les pauvres. Finalement, ce sont des hommes du peuple.»
Sœur Angèle, vous avez toujours à cœur la fondation qui porte votre nom?
Oui, la Fondation Sœur Angèle me tient à cœur. Nous venons de faire le tour de 14 écoles d’hôtellerie entre Gatineau et Rivière-du-Loup. Les jeunes s’intéressent à la cuisine et veulent être à jour en gastronomie.
Et vous rentrez également d’un voyage à Cuba!
Oui, je suis allée à Cuba récemment pour y parler de tourisme. Il y avait les ministres et les représentants des agences de voyages. À La Havane, nous avons organisé un concours avec les grands chefs des hôtels. Même s'ils ont peu de choses à Cuba, ce qu'ils réussissent à faire est ingénieux.
Est-ce que ça vous rappelle votre maman à l’époque de la guerre?
Vraiment! Parfois, je me demande comment ma mère a fait pour nourrir 14 personnes avec presque rien... C’est la même chose à Cuba: ils sont toujours comme en temps de guerre. Ils ont une mer remplie de poissons, mais ils ne peuvent pas pêcher. Il n’y a pas d’électricité. Comment peut-on conserver quelque chose? Honnêtement, les miracles, ce ne sont pas les milliardaires qui les font, mais ceux qui n’ont rien et qui réussissent à survivre malgré tout. Cuba est réduite à acheter le sucre... Il n'y a presque plus de plantes. Je veux tellement leur donner un signe d'espérance, un signe d'amour. Partout où je vais, je rentre dans les cuisines, même au Vatican. C'est le lieu où on donne vie.
Comme religieuse, comment avez-vous réagi au décès du pape?
C'était comme si c’était mon père. C'était mon patron. J'ai assisté à ses funérailles avec les cardinaux et la gouverneure générale du Canada. J’étais à la place Saint-Pierre, dans la quatrième rangée. J’ai vu des hommes du monde émus, les larmes aux yeux. L'honorable sénateur Victor Boudreau m’a envoyé par la suite une belle carte qui disait: «Sœur Angèle, j'ai beaucoup apprécié de faire votre connaissance lors du voyage au Vatican pour les funérailles de sa sainteté le pape François. Continuez à faire la promotion des aliments produits au Canada. Au plaisir de vous entendre chanter dans le futur.» Une chose comme celle-là, ça n’arrive qu’une fois dans une vie... et peut-être même jamais.
À votre avis, avons-nous assisté à la disparition d’un grand pape?
C’était le pape des pauvres. Je l’ai vu quatre fois dans ma vie et, chaque fois, je lui apportais quelque chose. Il me disait toujours: «Je vais partager avec mes confrères prisonniers.» Il allait en prison et mangeait avec eux. Quand il est venu au Québec, je lui ai donné du sirop d’érable en lui disant que ça allait lui donner du spring! (rires) Le pape François a réussi à atteindre le cœur des plus grands. Chaque fois qu’on lui donnait une voiture, il la vendait et donnait l’argent aux pauvres. Un prêtre m’a raconté qu’un jour, il est arrivé au Vatican vers 20 h. À l’ascenseur, il a croisé le pape. Le Saint-Père lui a demandé s’il avait mangé. Non, il n’avait pas mangé... Le pape est entré dans les cuisines, a fouillé dans le frigidaire, a préparé le souper et a mangé avec lui! C’est le prêtre lui-même qui me l’a dit! Je n’ai jamais vu ça dans ma vie! Il était accessible aux plus petits. Il me disait toujours: «Je vais vous bénir pour que vous propagiez l'amour et la joie.» Moi, je pense qu’on m'a confié une mission spéciale.
C’est ce que vous avez fait toute votre vie durant...
Cette année, ça me fait 70 ans de vie religieuse. Ma mission au Québec a commencé au mois d'octobre 1955. Et j'étais vraiment destinée à rencontrer les papes, parce que c'est le patriarche de Venise, Jean XXIII, qui m’avait dit que le Québec était ma mission. Je ne savais pas ce qui m'attendait... J’ai toujours vécu le moment présent et j'essaie toujours de donner mon 100 %.
En 70 ans de vie religieuse, y a-t-il eu des moments de doute ou de remise en question?
C'est comme une grâce qui m'a été donnée de m'occuper des immigrants pour qu'ils s'adaptent à leur nouvelle vie au Québec. Je ne voulais pas qu'ils vivent ce que moi, j'avais vécu. Quand j'ai rencontré les sœurs du Bon-Conseil de Montréal, dans les années 1950, elles s'occupaient des immigrants. Elles n’en tiraient aucun avantage. J'ai simplement suivi les besoins du temps. Le Seigneur m’a toujours amenée à faire connaître la vie de la terre à travers mon engagement. Tout le monde a une mission qui se résume ainsi: donner le goût de la vie. Moi, j’ai dit oui. Je n’ai jamais regardé ce que j'avais fait. J'ai toujours regardé ce que je pouvais faire.
Vous est-il arrivé de vous dire que vous auriez aimé avoir une famille?
Je m'occupais de ma famille. Ma destinée, c'était d'être présente à l'autre. C'est tout. Ce qui m'a beaucoup aidée, c'est que le Seigneur m'a donné la grâce du pardon. Si une personne me faisait quelque chose qui ne me plaisait pas du tout, je me disais que c’était parce qu'elle était malheureuse. Si tu fais quelque chose à l’autre et que tu es heureux de le voir souffrir, c’est parce que toi-même, tu es malheureux. Tu ne peux pas donner ce que tu n’as pas. Que ce soit dans la vie religieuse, la vie de couple ou le monde, il y a toujours quelque chose pour te sanctifier... ou te condamner. Vivre en communauté, c'est pareil comme vivre en couple: il faut partager. La beauté de la vie religieuse, c’est que tu as une petite chambre à toi. Tu peux récupérer.
Qu'est-ce qui vous garde aussi heureuse, en dépit de tout ce qui se passe actuellement?
Quand tu n'es pas exigeant, tu acceptes ce que tu as et tu es heureux avec ça. Je n’ai pas besoin de grand-chose. Tout ce que j'ai, je le donne. La joie de donner est plus grande que celle de recevoir.
Vous semblez toujours de bonne humeur. Vous arrive-t-il d’être triste ou découragée?
J’ai une grâce d'espérance. Je vois toujours une lumière au bout de mon regard. Être de bonne humeur, ça ne coûte rien! Dernièrement, nous avons fait des tomates pour la fondation, pour gâter nos jeunes et leur donner de l’espoir. Aujourd’hui, les jeunes souffrent du manque d’amour. La jeunesse a besoin d'amour.
Vous aurez 87 ans cet été. Où puisez-vous votre énergie?
(Rires) Je ne regarde pas loin devant: je vois le présent, tout simplement. Et quand ça ne va pas quand je me lève, le matin, je me parle...
Habitez-vous toujours votre petite maison?
Oui, ma petite et très vieille maison. Ça fera deux ans en juin que la Maison Jean Lapointe a acheté les bâtiments. Au mois de juin, je saurai si je pourrai y rester encore ou si la fondation aura besoin de la maison. On verra. Une minute à la fois... Je ne m’énerve pas!
Sœur Angèle, comment pourrions-nous résumer vos 70 ans de vie religieuse?
Depuis 70 ans, je me suis engagée à servir, à donner, à répondre aux besoins du moment - comme le faisait Marie Gérin-Lajoie, la fondatrice de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal, que j’ai eu la chance de connaître. Elle me disait: «Ma petite sœur, on va prendre un jour à la fois, hein?» Elle me parlait comme ça. Je vivais un jour à la fois et, un jour à la fois, j’ai accumulé toutes ces années. Comme je suis entrée dans une communauté alors que j’étais jeune, j'ai pu donner. Quand j'ai annoncé à mon père que j'allais entrer au couvent, il m'a dit que j’étais devenue folle... Mais il y a une force, un appel qui m’a fait dépasser tout ça. C'est miraculeux. Quand tu entres au couvent, tu as un appel. Il faut mûrir, réfléchir, se dire: «Ma vie est donnée.» Que ce soit pour le meilleur ou le pire, j’ai fait face. Il faut se laisser façonner par Celui qui nous a donné la vie... Moi, j'ai confiance. S’Il me donne la vie, c'est parce que j'ai encore quelque chose à accomplir.
De grands honneurs.
La période semble marquée de reconnaissance pour sœur Angèle, qui enchaîne les honneurs. Avec humour, elle s’interroge en riant: «Est-ce que ma mort s’en vient?» (rires) Lors de son récent voyage à Cuba, elle s’est vu remettre une médaille en reconnaissance pour son aide à ce pays depuis 30 ans. Au fil des ans, sœur Angèle a également reçu de prestigieuses distinctions dont l’Ordre national du Canada, l’Ordre national du Québec et l’Ordre national d’Italie. «Ce n’est pas ce qu’on fait qui compte, conclut-elle, mais comment on le fait. Il faut faire les choses avec son cœur. Je suis là pour rendre service. Tout ce que j’ai à offrir, ce sont des petits plats...» (rires)