Le bout du monde avec un voilier à moteur
Parfois, embarquer dans les délires des autres nous fait rêver


Emmanuelle Latraverse
Je vous parlais la semaine dernière de mon île au bout du monde.
Vous ne serez pas surpris si je vous raconte que Mari a décidé qu’il fallait un bateau, pour aller à l’aventure... comme si prendre 16 heures pour aller reprendre contact avec la civilisation en traversier n’était pas assez!
Enfin... Mari trouve un voilier usagé, par cher, pas cher.
Comme tout couple exige son lot de compromis, je lui ai dit, vas-y, c’est ton projet, ton argent. Et c’est là que j’ai été embarquée dans la patente...
Mais parfois, embarquer dans les délires des autres nous fait rêver...
L’autre bout du monde
Mari a commencé par songer à acheter un voilier pas cher à Ottawa pour ensuite le traîner à travers le pays (4450 km) jusqu’à notre île... Calcul imposé par Madame, 2200$ d’essence plus la location d’un pick-up ne valaient pas la peine.
Alors Mari a trouvé un beau cas de «bricoleur averti» pas loin de Victoria. La lumière au sommet du mât et l’enrouleur sont brisés. Mais Bill sur l’île d’à côté sait comment réparer le tout!
Alors on part de notre île à 6 h 15 le matin, horaire de traversier oblige. L’autarcie de la simplicité volontaire ayant ses limites, premier arrêt au Pneu Canadien, aller chercher une veste de sauvetage supplémentaire, un klaxon et des fusées de détresse, obligatoires, semble-t-il.
Puis, rendez-vous au centre-ville pour payer le bateau. Levée aux aurores oblige, les clés de l’auto sont égarées. J’ai cru les avoir jetées aux poubelles en même temps que le sac de chez Tim Horton’s (oui, je sais, au diable la simplicité volontaire).
Clés retrouvées avant de constater une crevaison inexpliquée et récurrente sur notre Jeep Cherokee 1999.
Visite de banlieue éloignée, acheter des bouées trouvées dans Marketplace (oui, je sais, les maudits géants du web).
Finalement, avec 3 heures de retard sur l’horaire, on arrive au bateau, amarré au milieu d’une baie!

Moult allers-retours en kayak pour charger la cargaison d’essence, de couvertures (au cas où on passerait la nuit en mer), quelques Corona sans alcool pour survivre au stress... Et je vous ai mentionné l’appel en panique auprès de l’ancien propriétaire pour comprendre comment partir le moteur?

Détails...
C’est LE détail: Mari a acheté un voilier sans savoir faire de la voile!
Et sans surprise, il m’a mis en charge de nous sortir de la marina pendant qu’il était au téléphone avec l’ex-proprio pour comprendre le bateau.
Saviez-vous qu’en bateau pour tourner à gauche, faut diriger le gouvernail à droite et vice versa?
Mais le vrai délire, c’est qu’une fois partis, on voit le monde autrement. Au ralenti, à 4 nœuds. Impossible d’aller plus vite.
Le voyage à bon port aura duré 6 heures. Heureusement, le soleil se couche à 21 h en ce moment. Et avoir le luxe de s’embarquer dans de petits délires, ça n’a pas de prix. Ça crée des souvenirs. Et surtout, ça relativise le reste de la vie, ses stress et ses tensions.