Le bouillant Boileau, en révolte contre... la «guerre aux piétons»?
M. Boileau a été victime de ce que je m’amuse à appeler «la guerre aux piétons»


Antoine Robitaille
La colère de Luc Boileau, qui a presque été happé par «François», un irresponsable en trottinette électrique, est tout à fait compréhensible.
La vidéo, captée et diffusée d’abord par ledit François, a quelque chose de saisissant. D’abord parce qu’elle constitue une auto-inculpation! Le type circule trop vite, à sens inverse, en brûlant un feu rouge. Il y a des contraventions qui se perdent.
«Je suis important»
Ensuite, bien qu’explicable, l’ire filmée de Luc Boileau comporte un aspect condamnable.
Pas tellement les nombreuses injures: «Esti de débile», «innocent», «crotte de nez qui dépasse», etc. Qui peut affirmer, sans mentir, que dans une situation comparable il n’a jamais perdu son calme? Il faut toutefois répéter qu’invectiver l’autre dans ces moments ne sert à rien; on risque de faire dégénérer un simple désagrément en confrontation violente.
Le pire est ailleurs: Boileau a eu le réflexe de se servir de son titre pour menacer l’irresponsable qui l’abreuvait d’insultes. «Tu sais à qui tu t’adresses? Au directeur national de santé publique.» Non seulement il y a là vantardise risible du type «Je suis important», mais Boileau, en plus, laisse entendre qu’il a, grâce à son statut, plus de facilité à faire en sorte que les policiers «arrêtent» François!
Le ministre de la Santé Christian Dubé n’a pu cacher un malaise: «J’aurai la chance de lui parler dans les prochains jours.» Il a à raison félicité son DNSP d’avoir présenté ses excuses publiques rapidement.
Guerre aux piétons
L’affaire, anecdotique, a suscité un torrent de commentaires, qui resteront peu utiles si on élude un aspect crucial: M. Boileau a été victime de ce que je m’amuse à appeler «la guerre aux piétons».
Sérieusement, la situation des bipèdes que nous sommes – tous – n’est pas rose: «Si 2022 a été marquée par le pire bilan [routier] en 15 ans, 2024 sera marquée par le deuxième pire bilan en 17 ans», écrivait récemment Sandrine Cabana-Degani, DG de Piétons Québec.
Il n’y a pas de «guerre à l’auto» dans nos villes. Que l’espace de circulation, jadis presque entièrement livré aux véhicules à moteur, soit un peu mieux partagé, notamment en faisant de la place aux vélos, relève du simple bon sens.
Autos et camions sont les plus dangereux. Pour leurs conducteurs et leurs passagers (on l’a vu en cet été particulièrement meurtrier!), mais aussi pour les autres utilisateurs de la route. Or, ces engins sont de plus en plus nombreux et gros, plusieurs le martèlent avec raison.
Mais on assiste aussi, en ville, à l’augmentation de nouveaux modes de déplacement, comme les trottinettes électriques. Très pratiques, mais ultrarapides, ceux-ci contribuent malheureusement à la «guerre aux piétons», comme on l’a vu dans la vidéo de «François» contre Boileau. Sans doute faudra-t-il, dans les prochaines décennies, consacrer plus d’espaces à ce que des chercheurs appellent la «micromobilité», qui, selon une récente étude, manque de place à Montréal. Car la vraie guerre qu’il faut mener, c’est celle contre l’insécurité de tous les usagers de la route.