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L'article provient de TVA Nouvelles

Le Bloc Québécois: un rôle d’éclaireur ou de confusion des esprits?

Normand Jolicoeur / Le Journal de Montréal
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Léandre St-Laurent, intervenant social et enseignant, collaborateur à L'Action nationale, étudiant à la maîtrise en philosophie

2025-04-19T04:00:00Z
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Un an avant de fonder le Bloc Québécois, en 1991, Lucien Bouchard affirma que «notre mission à Ottawa est temporaire. Notre succès se mesurera à la brièveté de notre mandat.» 

Une trentaine d’années plus tard, cette mission s’avère tout sauf temporaire. Le risque pour un parti indépendantiste de participer aussi longtemps au fonctionnement de l’État fédéral est de relativiser la menace que représente le régime canadien. Il peut alors devenir logique, pour les électeurs, de relativiser l’importance d’un parti dédié à la défense des intérêts du Québec.

La stratégie parlementaire et électorale que le Bloc d’Yves-François Blanchet a appliquée, à la fin du dernier mandat de Justin Trudeau, a poussé au maximum ce jeu risqué. Durant les élections fédérales de 2025, il en récolte les fruits amers. Nombre de ses électeurs se tournent désormais vers Mark Carney.

Stratégie

En 2021, lorsque Trudeau a formé son deuxième gouvernement minoritaire, le Bloc pensait pouvoir faire pression sur le Parti libéral du Canada (PLC) pour qu’il considère favorablement des dossiers chers au Québec. L’alliance du NPD avec le PLC l’aura empêché de jouer ce rôle.

Ce contexte mena au pourrissement d’une situation favorisant le Bloc. Le mécontentement du Québec joint à celui du Canada anglais, en passant par une crise de légitimité au sein même du PLC, généra un scénario inouï. À l’automne 2024, les pronostics les plus sérieux donnaient une majorité au Parti conservateur de Pierre Poilievre et l’opposition officielle au Bloc, une première depuis 1993. Avec l’arrivée au pouvoir probable du PQ au Québec, le potentiel pour une crise de régime était élevé.

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Pour y arriver, le Bloc n’avait plus qu’à provoquer la chute d’un gouvernement qui n’avait plus l’appui du NPD. Sur le plan tactique, Blanchet n’a pas agi ainsi. En septembre et en octobre 2024, il a plutôt accordé sa confiance aux libéraux, dans l’espoir d’obtenir temporairement une balance du pouvoir favorable. En parallèle, il concentra ses attaques sur Poilievre, censé à l’époque former le prochain gouvernement.

Menace

D’un point de vue indépendantiste, c’est là une gymnastique bien étrange face à un PLC qui prenait de plus en plus la forme d’une menace existentielle pour le Québec, que ce soit sur le plan constitutionnel, de la centralisation fédérale, de l’immigration, du multiculturalisme, de la langue, du logement ou de l’économie. Le progressisme prenant le dessus sur le nationalisme, le Bloc a pu donner l’impression qu’un Poilievre associé à la nébuleuse trumpiste constituait une menace plus sérieuse. Ce dernier est pourtant infiniment moins cavalier face à ces dossiers chers aux Québécois.

Par la façon dont il participe au fonctionnement de l’appareil fédéral, le Bloc a cessé de rendre clair ce qui est non négociable, d’un point de vue de l’intérêt national québécois. Du moment où l’on réduit le PLC de Trudeau ou de Carney à un mauvais gouvernement plutôt qu’à une menace potentiellement existentielle, il ne faut pas s’étonner que l’électorat bloquiste puisse relativiser ce danger, au gré des circonstances.

Face à la menace existentielle que représente Trump, les Québécois ont besoin de se tourner vers une gouverne forte, ce que semble représenter Carney. Il ne faut donc pas se surprendre qu’ils délaissent un parti d’opposition, et que l’appui au Bloc fonde.

Pour que les électeurs bloquistes ne se tournent pas vers Carney, il aurait fallu qu’ils associent ce dernier à une menace équivalente à celle d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Le Bloc a échoué à présenter cette image du PLC. Plutôt que de jouer le rôle d’éclaireur, ses tactiques politiciennes auront mené à une confusion des esprits.

Photo fournie par Léandre St-Laurent
Photo fournie par Léandre St-Laurent

Léandre St-Laurent, intervenant social et enseignant, collaborateur à LAction nationale, étudiant à la maîtrise en philosophie

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