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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

L’école à temps plein pour tous: le beau risque de François Legault

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Jocelyn Desaulniers

2021-03-30T09:00:00Z
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On se souviendra de René Lévesque, qui, après s’être établi comme celui qui resterait un de nos plus grands leaders souverainistes, a choisi de changer de cap en donnant une chance au gouvernement fédéral de Brian Mulroney. Et ça lui a pété dans la figure.

Eh bien, quand je regarde la décision de François Legault de faire rentrer les élèves à temps plein dans les écoles, je ne peux m’empêcher de voir le même genre de paradoxe. 

Sur la forme, je comprends le premier ministre : ouvrir complètement les écoles semble être une bonne idée. Il s’en dégage l’impression qu’en passant plus d’heures à l’école, les élèves qui ont accumulé du retard scolaire pourront le rattraper ; qu’en passant plus de temps avec leurs amis, les jeunes retrouveront le sourire et une meilleure santé psychologique. Sur le fond, par contre, je pense que ça ne tient pas la route comme décision, et cela, pour trois raisons.

  • Écoutez l'entrevue de Jocelyn Desaulniers au micro de Richard Martineau sur QUB radio:

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Jeunes en difficultés

D’abord, parce que le retard scolaire me semble mal compris. Pour simplifier, faisons l’analogie avec la course à pied. Si un jeune court un peu moins vite que le reste de sa classe, après chaque heure de course, il sera rendu un petit peu moins loin sur le parcours. Ainsi, plus les heures s’accumulent, plus il se retrouve loin derrière le reste de ses camarades. Vous comprendrez bien que ce n’est pas en faisant courir la classe pendant plus d’heures chaque semaine qu’on aidera ce jeune. Pour lui permettre de rejoindre les autres, il faut le faire courir lui, individuellement, avec du support. Inutile de faire suer tout le monde. 

« Incontrôlable »

Ensuite, parce que quiconque a déjà travaillé avec des jeunes de 15-16 ans sait qu’arrivé le mois d’avril, ceux-ci vont se découvrir de plus qu’un fil... C’est le printemps, le beau temps, les amours, l’excitation, le désir de nouvelles expériences... C’est, en un mot, incontrôlable. 

Alors, imaginez-vous essayer de les convaincre de rester à 2 mètres les uns des autres, de porter un masque... Je ne suis pas spécialiste de l’épidémiologie, mais je pense pouvoir affirmer avec assez de certitude qu’il est plus sécuritaire de regrouper 500 jeunes sur un terrain que 1000 si on espère limiter les contacts et freiner la transmission des variants... 

Enfin, parce que notre modèle hybride a réussi exceptionnellement bien considérant les circonstances. Nous sommes un des seuls endroits en Occident qui n’a pas eu besoin de fermer ses écoles pendant l’année scolaire 2020-2021. Toute proportion gardée, la très vaste majorité de nos établissements scolaires auront été ouverts sans interruption, ce qui est déjà une grande victoire. 

Alors, ça force la question : pourquoi exiger ce changement de dernière minute au moment où on commençait à apercevoir la ligne d’arrivée ?

Par amour des jeunes et pour apaiser les parents, bien sûr. J’espère juste que la décision de M. Legault ne lui explosera pas au visage comme ç’a été le cas pour le premier chef péquiste. 

Parce que, cette fois, si l’ouverture des écoles donne au virus l’impulsion nécessaire pour un troisième tour de manège, il y a des gens qui vont mourir. 

Photo Martin Alarie
Photo Martin Alarie

Jocelyn Desaulniers, Enseignant
Montréal

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