Retour en arrière: l’aventure nucléaire n’a duré que 29 ans au Québec
Jusqu’à 700 personnes ont travaillé à Gentilly 2


Mathieu-Robert Sauvé
Le nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, enclenche une analyse sur la relance de la seule centrale nucléaire du Québec, Gentilly 2, à Bécancour. Elle a pourtant fermé ses portes en 2012.
Inaugurée en 1983, la centrale Gentilly 2, près de Trois-Rivières, a produit de l’électricité pendant près de 30 ans.

«Il y avait jusqu’à 700 personnes qui y travaillaient et jamais il n’y a eu le moindre incident lié aux radiations», explique Patrice Desbiens, directeur de la gestion des services techniques à Hydro-Québec.
L’histoire professionnelle de cet ingénieur est intimement liée à la centrale située à Bécancour, puisqu’il y est entré en 1994 avec sa maîtrise en génie nucléaire. Avec trois autres experts, ils formaient le cerveau de la centrale d’une puissance de 675 MW, soit l’équivalent de la centrale Romaine 2 (640 MW).

Hydroélectricité ou nucléaire?
Les plans de cette centrale remontent aux années 1960 alors que sévit au Canada un débat sur les meilleures sources d’électricité à exploiter pour propulser la croissance économique du pays.
L’Ontario fera le choix du nucléaire alors que le Québec, poussé par le jeune économiste qui a pris le pouvoir en 1970, Robert Bourassa, lance le projet de la Baie-James. L’hydroélectricité deviendra la pièce maîtresse du génie québécois, mais le nucléaire obtiendra assez d’appui pour ne pas être complètement oublié.
Au plus fort de son existence, Gentilly 2 produira 2 % de l’électricité québécoise. «J’y suis allé avec un groupe d’étudiants et c’était une centrale qui fonctionnait très bien», se souvient Guy Marleau, qui a enseigné pendant 40 ans le génie nucléaire à Polytechnique Montréal.
Faux départ
Bien que la construction de la centrale ait pris plusieurs années, la première phase du projet s’est avérée un échec. Gentilly 1 a fonctionné six mois avant d’être abandonné en raison de difficultés techniques.
Appuyé sur la technologie Candu, issue des recherches menées à Montréal durant la Deuxième Guerre mondiale dans le cadre du projet Manhattan, le réacteur de Gentilly 2 à l’uranium naturel est lancé en 1973. Dix ans de travaux seront nécessaires avant sa mise en service.

Une centrale semblable, construite la même année à Pointe-Lepreau, au Nouveau-Brunswick, est toujours en fonction.
C’est au moment de relancer Gentilly 2 (après trois décennies, ce type d’installations doit être restauré de fond en comble) que s’est joué son destin. Presque toutes les autorisations et les budgets avaient été accordés sous Jean Charest, mais le gouvernement de Pauline Marois a mis fin au programme nucléaire.
Aujourd’hui, M. Desbiens préside le «déclassement» de la centrale avec son équipe de 35 personnes. «C’est certain que nous avons vécu un deuil à l’annonce de la fermeture définitive, mais l’expérience que nous acquérons actuellement consistant à fermer une centrale nucléaire est une première à l’échelle canadienne.»
Le problème des résidus demeure entier. Les 130 000 grappes de combustible irradié attendent sur place d’être enfouies définitivement.
