L’avenir rouge du parti conservateur

Elias Massey-Neves
Le parti conservateur du Canada devra bientôt se choisir un nouveau chef, alors que la division entre les conservateurs de l’Ouest et de l’Est semble de plus en plus inévitable. Pourtant, il existe une tradition conservatrice bien de chez nous, qui serait en mesure d’apporter un vent de fraîcheur sur un parti qui échoue à se positionner comme une véritable alternative aux libéraux : le fameux Red Tory ou Tory Rouge.
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Quand on entend le mot conservateur, une image froide d’homme d’affaires soucieux de l’équilibre budgétaire nous vient rapidement en tête. Pour d’autres, le mot évoquera plutôt une frange réactionnaire de la population, religieuse, qui s’oppose à l’avortement et aux progrès sociaux. Si ces deux images peuvent effectivement représenter certains aspects du conservatisme, elles sont loin de circonscrire l’ensemble de la tradition conservatrice, ni même son essence.
En effet, l’essence du conservatisme est plutôt un respect pour l’autorité, garant de l’ordre, et un respect pour la tradition qui mène à la conviction intime que la continuité dans les affaires humaines est de la plus haute importance. Pourtant, ce désir de continuité ne signifie pas une opposition au changement en tant que tel.
Conservatisme « canadien »
Je suis d’avis qu’il est important de faire la distinction entre un conservatisme « américain », qui du reste est plutôt un libéralisme de droite, et le conservatisme traditionnel qui est né de la tradition des torys britanniques avant le développement du capitalisme.
nous intéresse.
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Ce conservatisme traditionnel a été nourri au Canada par les loyalistes, les catholiques canadiens-français et les immigrants des îles britanniques venus par la suite. Ce conservatisme « canadien » repose sur une conception organique de la société et les obligations mutuelles qui existent entre les classes. Soutenant que la communauté a le droit de restreindre la liberté individuelle au nom du bien commun, ce conservatisme embrasse la justice sociale et l’État providence.
Là où le Red Tory se distingue clairement du libéral, c’est dans son refus d’adopter l’idée que le progrès est automatiquement une bonne chose et que le nouveau est fondamentalement supérieur à l’ancien. Pourtant, les conservateurs sont aussi obligés de reconnaître que la science et la technologie ont bénéficié au genre humain, il ne sert à rien d’avoir une image mythique d’un passé doré et de blâmer la modernité pour tous les maux de la société. Le conservateur n’est pas un réactionnaire.
Au contraire, le « vrai » conservateur est ouvert à tout changement qui paraît servir le bien commun. Cependant, ce qu’il rejette, voir même ce qu’il déteste, c’est le progrès pour le progrès. Le progrès comme religion. Il préfère le développement naturel de la société, le fruit d’un certain équilibre entre les intérêts divergents de ses membres, au développement factice de l’ingénierie sociale qui pense pouvoir organiser la société de manière purement rationnelle.
Je pense que cette tradition conservatrice est essentielle au bien être de notre société. Elle embrasse le changement, elle n’est pas par nature dogmatique et se préoccupe d’abord et avant tout de la continuité dans les affaires humaines et du bien commun. Espérons qu’on trouvera une voix pour porter cette tradition conservatrice à la chefferie du parti conservateur du Canada. Sinon le pauvre Red Tory sera encore orphelin dans la politique fédérale et devra voter à contrecœur soit pour un conservatisme américanisé soit pour un progressisme qu’il abhorre...

Elias Massey-Neves, Candidat à la maîtrise en science politique