L’avenir de notre forêt boréale: Québec essaie de nous passer un sapin

Isabelle Maréchal
«Personne n’en parlait. Peut-être parce que personne ne le savait. Parce que la plupart des gens se promènent en auto aujourd’hui, et les lisières boisées de chaque côté de la route empêchent de voir ce qui se passe en forêt.» Ainsi parlait Richard Desjardins dans son documentaire-choc L’erreur boréale, en 1999. Je l’ai regardé à nouveau cette semaine, pour me replonger dans cet épineux dossier qu’est la gestion de nos forêts.
On y voit tout un bout de territoire de l’Abitibi éventré par les fameuses coupes à blanc. Une terre exploitée jusqu’à la corde. Ça m’avait profondément troublé à l’époque. Pareil aujourd’hui. Alors que ça brûle dans les Prairies et qu’un smog enveloppe le Québec, sait-on vraiment ce qui passe dans l’industrie forestière?
L’arbre qui cache la forêt
Le gouvernement est en train de nous passer un sapin avec son projet de loi pour «moderniser le régime forestier». Un gros à part ça. On prétend qu’intensifier l’exploitation forestière va sauver la forêt boréale. Et les milliers d’emplois qui viennent avec. Or, tous les experts le disent, la sylviculture intensive va plutôt nuire à la forêt et aux communautés locales.
Chaque fois que Québec et les forestières s’entendent pour bûcher un peu plus, on perd du terrain. C’est encore le cas avec cette réforme, qui cède plus de pouvoirs aux multinationales, les mêmes que dénonçait Richard Desjardins.
Son père a travaillé pour la Canadian International Paper. Avant la coupe à blanc. Avant que la machinerie lourde entre dans le bois. Les compagnies ont bûché la forêt en masse pour leurs seuls profits, sans égard à sa capacité de régénération ni au rôle fondamental qu’elle joue pour la biodiversité, le climat et notre identité.
Coupe, mais coupe égal!
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, prétend être à l’écoute, mais son discours tient plus du monologue. Vous irez écouter ma récente entrevue sur QUB radio avec elle (ci-haut). Je n’ai pas pu placer trois mots. Pas étonnant que les Premières Nations ne se sentent pas entendues. Élus municipaux, groupes environnementaux, syndicats, chercheurs, citoyens, tous s’opposent à sa réforme sans transparence ni vision. Je me dis, si tout le monde est contre ta loi, change-la!
Ce qui me choque encore plus, c’est le mépris. Le ton condescendant, comme si cette forêt-là n’était pas la nôtre, qu’on ne comprenait pas les enjeux. Québec agit comme si c’était une affaire technique pour initiés.
Or, notre forêt est publique. C’est un bien collectif. «C’est rare au monde, ça, on est chanceux!» disait Desjardins dans son film.
Entre une épinette noire ou un pin blanc, faites-vous la différence? On est tellement déconnecté de notre territoire, si loin des racines de ces grands arbres qui ont nourri des générations avant nous qu’on oublie notre responsabilité de protéger notre fragile patrimoine forestier.
On doit revoir notre lien avec la forêt. Redonner la parole aux communautés qui l’habitent. Miser sur une foresterie durable. Car gérer notre forêt, c’est pas juste fabriquer des 2×4.