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L'article provient de Bureau d'enquête

L’aspirante «mairesse du logement» de Montréal a exigé un dépôt illégal à ses locataires

La cheffe d’Ensemble Montréal, Soraya Martinez Ferrada, a été secrétaire parlementaire dédiée au logement pendant près de deux ans dans le gouvernement Trudeau

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Dominique Cambron-Goulet

2025-05-12T04:00:00Z
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La candidate à la mairie de Montréal et ex-ministre libérale Soraya Martinez Ferrada a affirmé qu’elle serait la «mairesse du logement». Or, elle a exigé un dépôt de sécurité de 2850$ à ses futurs locataires, une pratique complètement illégale, a découvert notre Bureau d’enquête.

Quand nous l’avons interrogée à ce sujet la semaine dernière, la cheffe d’Ensemble Montréal a d’abord nié avoir encaissé un dépôt, avant de reconnaître les faits le lendemain.

Le Code civil du Québec est limpide. Un propriétaire «ne peut exiger une somme d’argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement».

TOMA ICZKOVITS/AGENCE QMI et PIERRE-PAUL POULIN/JOURNAL DE MONTRÉAL
TOMA ICZKOVITS/AGENCE QMI et PIERRE-PAUL POULIN/JOURNAL DE MONTRÉAL

Or, c’est exactement ce que Mme Martinez Ferrada a fait quand elle a loué une maison unifamiliale qu’elle possède dans le quartier Saint-Michel, en 2023.

Son annonce stipulait que le locataire devait payer un dépôt de sécurité d’un mois, soit 2 850$, qui lui sera remis quand il rendra les clés.

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Il était aussi écrit que le futur locataire «s’engage à payer à la signature du bail un montant de 175$ pour les frais de ménage». Une autre pratique interdite par le Code civil. 

L'annonce pour la location de la maison de Soraya Martinez stipulait que les aspirants locataires devait s'engager à payer des frais illégaux.
L'annonce pour la location de la maison de Soraya Martinez stipulait que les aspirants locataires devait s'engager à payer des frais illégaux. Montage Journal de Montréal

Erreur de bonne foi

«Je l’ai jamais fait. L’annonce était peut-être comme ça, mais dans le contrat de location, je n’ai jamais fait ça», a d’abord assuré Soraya Martinez Ferrada, jointe au téléphone jeudi.

Le lendemain, elle a finalement reconnu que ses locataires lui avaient bien versé un montant.

«Le courtier en location avait par erreur exigé un dépôt et les locataires, qui sont eux-mêmes juristes, ont accepté de le verser», a-t-elle admis par courriel, plaidant une «erreur de bonne foi».

Ironiquement, quelques semaines avant de signer ce bail, Mme Martinez Ferada était depuis près de deux ans secrétaire parlementaire du ministre du Logement à Ottawa.

Celle qui s’est présentée comme la «mairesse du logement» dans une entrevue au journal Le Devoir assure avoir remboursé le montant à ses locataires, sans préciser à quelle date elle l'a fait.

«Il faut définitivement redoubler de prudence afin que cesse cette pratique», a ajouté l’ex-ministre.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

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Des frais interdits
  • Exiger un dépôt de sécurité ou un autre montant que celui du loyer est interdit par le Code civil du Québec. Le Tribunal du logement a maintes fois tranché en faveur de locataires floués par cette pratique et a même publié des communiqués sur la question;
  • Il est toutefois permis à un propriétaire d’exiger le premier mois de loyer en avance, mais ce montant doit ensuite remplacer le premier versement de loyer;
  • Un locataire peut aussi proposer à un propriétaire de lui verser un dépôt, mais cela doit se faire de sa propre initiative et sur une base volontaire.
Une vedette de la Commission Charbonneau

L’agence de courtage immobilier à laquelle Mme Martinez impute l’erreur est dirigée par Martin Dumont, ancien organisateur politique pour le parti Union Montréal de l'ex-maire Gérald Tremblay. Il a été un témoin vedette de la Commission Charbonneau et est un ami de longue date de Mme Martinez.

Il n'a pas été possible de s'entretenir avec M. Dumont directement.

«Vous êtes tombé sur un vieux modèle de conditions de location qu’on répliquait dans toutes nos annonces», a soutenu Celina Machado, courtière à l’agence Martin Dumont Équipe immobilière.

Elle a convenu que de tels frais n’étaient pas plus légaux auparavant.

«Effectivement. On le sait que ce n’est pas permis de l’exiger», a-t-elle affirmé. 

Celina Machado, qui est également la conjointe de Martin Dumont, a par ailleurs confirmé qu'ils sont des amis de l’aspirante à la mairie depuis leurs implications respectives en politique municipale.

À ses débuts en politique municipale comme conseillère de Saint-Michel, Soraya Martinez Ferrada a fait partie d’Union Montréal, de 2005 à 2007, tout comme Martin Dumont.

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Elle a ensuite fait le saut à Vision Montréal, où elle s’est impliquée jusqu’en 2013.

«Je connais [Martin Dumont], au même titre que toutes les personnes qui avaient des responsabilités à l’administration montréalaise lorsque j’étais conseillère dans Saint-Michel», a pour sa part affirmé Mme Martinez Ferrada.

Selon le registre des donateurs fédéraux, M. Dumont a versé des dons totalisant 1800$ à l’association libérale d’Hochelaga entre 2020 et 2023, lorsque Soraya Martinez Ferrada en était l’élue.

L'ancien organisateur politique d'Union Montréal Martin Dumont devant la commission Charbonneau le 30 octobre 2012.
L'ancien organisateur politique d'Union Montréal Martin Dumont devant la commission Charbonneau le 30 octobre 2012. Jean-Louis Fortin / JdeM

Le témoin du fameux coffre-fort

Martin Dumont a marqué la Commission Charbonneau quand il a affirmé avoir vu le coffre-fort d’Union Montréal rempli d’argent comptant au point que la porte était difficile à fermer.

Selon ses dires, le directeur du financement d’Union Montréal, Bernard Trépanier, et lui s’y sont mis à deux pour parvenir à fermer la porte, tant il y avait de coupures de 50$, 100$ et 1000$.

Il a aussi soutenu qu’Union Montréal faisait une double comptabilité pour cacher les ristournes de 3% sur les contrats publics versées au parti du maire Gérald Tremblay par les entreprises de construction.

Dans les jours qui ont suivi le témoignage choc de Martin Dumont, le maire de Montréal avait remis sa démission.

Quelques mois plus tard, M. Dumont avait admis avoir menti devant la commission, lors d’un deuxième passage à la barre des témoins.

Il avait dit avoir inventé que Bernard Trépanier, surnommé «Monsieur 3%», avait demandé à une réceptionniste de compter 850 000$ en argent comptant.

Un faux diplôme dans sa biographie

La biographie de Soraya Martinez Ferrada sur le site web du premier ministre Justin Trudeau indique qu'elle détient une maîtrise, ce qui est faux.
La biographie de Soraya Martinez Ferrada sur le site web du premier ministre Justin Trudeau indique qu'elle détient une maîtrise, ce qui est faux. Capture d'écran du site web du premier ministre Justin Trudeau

Pendant qu’elle était ministre à Ottawa, la biographie de Soraya Martinez Ferrada sur le site web du premier ministre Justin Trudeau indiquait qu’elle «détient» une maîtrise à HEC Montréal, ce qui est faux.

«Je n’ai jamais prétendu détenir une maîtrise du HEC, toutes mes communications sont claires là-dessus», a soutenu l’ex-ministre libérale dans un courriel au Bureau d'enquête.

Pourtant, pendant près de 18 mois, soit de juillet 2023 à février 2025, il était bien écrit sur les pages francophone et anglophone du site web du premier ministre qu’elle «détient une maîtrise en management».

Soraya Martinez Ferrada a commencé cette formation, mais elle ne l’a pas terminée.

«Je ne peux pas être tenue responsable d’une erreur commise par d’autres personnes en référence à mon CV, a-t-elle dit pour se défendre. Si vous identifiez d’autres erreurs du genre, merci d’en aviser mon équipe des communications.»

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