L’aspirant maire Sam Hamad confirme être un proche d’un géant de l’immobilier de Québec
Le candidat à la mairie a siégé durant deux ans au conseil d’administration de Trudel Innovation, un joueur majeur dans l’immobilier de la capitale

Kathryne Lamontagne
L’aspirant maire de Québec Sam Hamad a travaillé étroitement avec l’un des plus gros joueurs immobiliers de Québec au cours des dernières années, a découvert notre Bureau d’enquête. L’ex-ministre libéral reconnaît maintenant qu’il devra ériger une muraille de Chine pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts.
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«Il faut plus de Trudel à Québec», déclarait Sam Hamad en entrevue au journal Le Soleil, en juin 2023. Mais ce que le politicien s’était bien gardé de préciser à l’époque, c’est qu’il siégeait au conseil d’administration d’une des filiales du groupe Trudel, un joueur majeur dans l’immobilier de la capitale.
Celui qui vient d’officialiser sa candidature à la mairie de Québec a été en effet l’un des trois administrateurs de Trudel Innovation, entre le 1er janvier 2023 et le 25 février dernier, peut-on lire au registraire des entreprises du Québec. Il siégeait aux côtés du président William Trudel et du vice-président Simon Métivier.

En entrevue avec notre Bureau d’enquête lundi, l’aspirant maire a confirmé que c’est son «ami» William Trudel qui lui a offert une place sur son conseil d’administration, en échange de rémunération.
«Je l’ai aidé, je l’ai coaché, j’ai été dans son conseil et je suis très fier d’avoir fait ça. L’homme le plus réussi à Québec présentement, c’est lui [...] C’est un modèle», avance Sam Hamad, qui a quitté cette fonction à la fin du mois de février dernier, en vue de se lancer dans la course à la mairie.

Le groupe Trudel confirme que Sam Hamad, une «bonne connaissance» de William Trudel, avait été recruté pour son «expertise et ses bons conseils» afin de contribuer au développement des projets de Trudel Innovation (voir ci-dessous). Il n’avait, alors, aucune visée politique, avance David Chabot, directeur du bureau du président pour Trudel.
Muraille de Chine
Sam Hamad reconnaît qu'il pourrait y avoir apparence de conflit d’intérêts avec le groupe Trudel. C’est la Ville qui donne le feu vert aux projets immobiliers, octroie les permis de construction ou autorise les changements de zonage, notamment.
Le politicien entend donc ériger une «muraille de Chine» entre lui et l’entreprise, s’il est élu maire. Deux experts estiment d’ailleurs qu’il s’agit de la meilleure chose à faire pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts (voir ci-dessous).
Notons que Sam Hamad prévoit aussi démissionner prochainement de son poste de vice-président principal pour la firme de gestion et surveillance de bâtiment globatech, là où il a été embauché lorsqu’il a quitté la vie politique, en 2017.
Il quittera aussi la présidence des conseils d’administration de deux filières de globatech, soient CT Tech et logic-contrôle, a-t-il fait savoir.
– Avec Marie-Christine Trottier
Quelques projets de Trudel Innovation à Québec
Trudel Innovation est le «bras de développement» du Groupe Trudel, explique David Chabot, directeur du bureau du président de l’organisation. L’organisation est notamment propriétaire de ces projets:
Fleur de Lys
- Trudel travaille à changer complètement le site de Fleur de Lys, à Québec. Le projet, qui devrait valoir 2 G$ à terme, prévoit d’ici 10 ans la construction de 3500 logements des commerces ainsi qu’un hôtel pouvant aller jusqu’à 200 chambres. Les premiers locataires ont été accueillis dans la première phase résidentielle, en mars dernier.

Le centre externe d’hémodialyse
- Trudel Innovation a remporté en février dernier l’appel d’offres pour la mise en place d’un centre externe d’hémodialyse, en association avec le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec. Il était le seul soumissionnaire. L’entente, estimée à 109 M$ sur 12 ans, permettra l’ajout d’une soixantaine de fauteuils d’hémodialyse, sur le site du centre commercial Fleur de Lys.
L’îlot Dorchester
- À la mi-février, la Ville de Québec a donné son aval au projet de l’Îlot Dorchester, dans Saint-Roch, en faisant passer la tour à naître de 20 à 17 étages. Selon le promoteur, le projet comptera 400 unités d’habitation, dont 40 logements abordables et 20 logements sociaux, en plus de 150 chambres d’hôtel et une épicerie à grande surface. À terme, le projet aura une valeur de 250 M$, selon le promoteur.

Les Galeries Charlesbourg et la Place des Quatre-Bourgeois
- Ces deux projets prévoient la construction de 1500 logements sur chacun des sites, pour des valeurs à terme estimées à 1 G$ chaque, selon le promoteur.
Liens entre Hamad et Trudel: il faut une muraille de Chine, affirment des experts
S’il était élu maire, Sam Hamad devrait se retirer de toute discussion ou décision concernant le Groupe Trudel, estiment deux experts.
«Un politicien a toujours deux grands défis: prendre la meilleure décision objectivement pour la ville et s’assurer que cette décision va être perçue comme étant légitime au sein de la société. Sans ça, il va avoir de la difficulté à faire passer sa décision», illustre Michel Séguin, professeur et expert en éthique de l’UQAM.
S’il devait être élu à la mairie et prendre des décisions qui auraient un impact sur le groupe Trudel, «ça pourrait soulever un doute chez certains individus de son impartialité, de son objectivité décisionnelle», estime le professeur Séguin.

«Imaginons qu'offrir une subvention de 5 M$ à cette organisation est la décision la plus objective pour la ville, que c’est ce qui est le mieux pour les citoyens. Quand il va proposer ça, est-ce qu’on va ressortir le fait qu’il siégeait sur le conseil d’administration? C’est possible et ça peut faire en sorte qu’il ait de la difficulté à mener à bien les projets qu’il doit mener», illustre-t-il.
Se récuser
Marie-Soleil Tremblay, professeure titulaire de l’École nationale d’administration publique (ENAP) et spécialiste en gouvernance d’entreprise et audit, abonde dans le même sens.
«C’est tout le temps des situations hyper malaisantes, donc la façon la plus simple [pour éviter les malaises], c’est de se récuser», avance la professeure Tremblay.
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