Langue française: ramenons les vieilles méthodes


Richard Martineau
Ce week-end, Le Journal a publié un dossier passionnant sur l’enseignement du français.
Comment on peut améliorer la performance pitoyable des élèves québécois ?
Je sais que je vais passer pour un vieux schnock – ce qui constitue un crime de lèse-majesté dans un monde où les gardiens grisonnants de la culture sont prêts à s’agenouiller devant n’importe quelle idéologie à gogo pour paraître « jeunes » –, mais je pose la question quand même...
Et si la meilleure façon d’aider les jeunes à maîtriser le français était de revenir aux bonnes vieilles méthodes d’enseignement ?
Celles qui ont fait leurs preuves ?
- Écoutez le commentaire de Richard Martineau à QUB radio :
BOSSER, BOSSER, BOSSER
Il y a deux semaines, à La Grande Librairie, l’excellente émission littéraire diffusée à TV5, François Busnel a reçu deux grands comédiens : Denis Podalydès, pour une adaptation cinématographique d’un roman de Philip Roth, et Nicolas Briançon, pour la mise en scène d’une pièce de Milan Kundera.
« Comment arrivez-vous à apprendre de si longs textes ? » leur a-t-il demandé (question qu’on se pose toujours quand on voit de formidables comédiens sur scène).
Réponse des deux acteurs : en bossant. En suant. En travaillant.
Sans cesse et sans relâche.
Il n’y a pas d’autre façon : il faut apprendre par cœur.
Par – et avec – cœur.
Tu apprends une phrase par cœur. Puis après, la phrase suivante.
Et ainsi de suite, jusqu’au dernier mot.
Un travail fastidieux.
Ma blonde et moi sommes des fans finis de la série documentaire Chef’s Table, sur Netflix.
Dans chaque épisode, on nous raconte le parcours passionnant d’un grand chef.
Comment un p’tit cul né dans un village reculé du Brésil ou de Russie est devenu une rock star du monde de la gastronomie ?
Ces propriétaires de restos étoilés ont tous suivi le même parcours.
Avant de devenir chefs, ou même sous-chefs, ils ont passé des années à couper des légumes.
Du matin au soir, pendant trois ou quatre ans, c’est tout ce qu’ils faisaient.
Couper des carottes.
C’est comme ça qu’ils ont appris les techniques de base de la cuisine.
GRIMPER L’EVEREST
La langue française est une montagne majestueuse, remplie d’exceptions et de pièges.
C’est ce qui fait son charme, sa force, sa beauté.
Pour grimper au sommet de cette montagne, il n’y a qu’une seule et unique façon de procéder.
Bosser.
Suer.
Apprendre par cœur.
Ça demande – hou, le vilain mot ! hou, l’expression colonialiste, capitaliste et patriarcale ! – de l’effort.
« Effort : mobilisation volontaire de forces physiques et intellectuelles en vue de vaincre une résistance, d’atteindre un but. (Larousse) »
La langue française ne se donne pas à toi. Tu dois la mériter.
DES ESCALIERS MÉCANIQUES
Depuis quelques années, l’idée n’est pas d’amener les jeunes à grimper la montagne.
C’est de scier la montagne, de lui enlever toutes ses aspérités pour rendre son ascension plus agréable !
Comme si on installait des escaliers mécaniques sur l’Everest !
C’est trop dur écrire « éléphant » ?
OK, on va accepter « éléfant » !
On baisse la barre.
Vous imaginez si on faisait ça dans le domaine de la gastronomie ?
On se retrouverait avec des MacDo qui ont deux étoiles dans le guide Michelin...
De l’effort, encore de l’effort, toujours de l’effort !
C’est la seule façon d’apprendre.