Lanaudière: un maire poursuit sa propre Ville après s’être fait refuser un permis
Dans un dossier hors du commun, le maire de Sainte-Mélanie, Louis Freyd, s’adresse aux tribunaux contre ses propres règlements municipaux

Dominique Cambron-Goulet
Un maire de Lanaudière qui a vu son projet immobilier refusé poursuit sa propre Municipalité pour contester la décision de ses fonctionnaires.
Louis Freyd, premier magistrat de Sainte-Mélanie, a déposé sa requête au palais de justice de Joliette la semaine dernière.
La professeure à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste en gestion municipale, Danielle Pilette, admet n’avoir jamais vu de maire en fonction attaquer sa propre Municipalité en justice.
«Le fait d’être élu n’empêche pas quelqu’un [d’avoir d’autres] opérations. Mais l’intérêt premier d’un élu doit être l’intérêt de la municipalité», explique-t-elle.
Elle s’interroge sur les frais juridiques que Sainte-Mélanie devra payer pour se défendre contre son maire.
Secteur résidentiel
M. Freyd souhaite depuis plusieurs années faire construire une quinzaine de résidences sur un terrain boisé qu’il possède.
Il a toutefois attendu d’être élu maire avant d’entamer des démarches auprès de la Ville.
L’an dernier, notre Bureau d’enquête rapportait que des enquêteurs de la Commission municipale du Québec (CMQ) avaient rencontré M. Freyd à ce sujet, vu l’apparence de conflit d’intérêts.
Mais l’histoire a pris un tout autre tournant le mois dernier, quand la Municipalité a refusé au maire son permis de lotissement, car son projet ne respectait pas le règlement en vigueur.
Jugeant ce refus «injustifié», Louis Freyd et sa conjointe se sont adressés aux tribunaux dans le but de faire déclarer le règlement de lotissement «inapplicable» à leur projet immobilier.
Ironiquement, ce règlement a été adopté par le maire lui-même au conseil municipal en juillet 2024.

Droit acquis
Dans sa requête, le maire allègue qu’au moment de refuser le permis, le discours de son propre directeur général était «nettement contradictoire par rapport à toutes les affirmations déjà formulées».
Selon lui, rien ne laissait croire que sa demande de permis était incomplète ou serait refusée.
Il avance qu’il bénéficie d’une sorte de droit acquis puisque sa demande a été envoyée avant l’entrée en vigueur des nouvelles normes.
Selon des documents de la Municipalité, le maire Freyd a envoyé celle-ci sept jours seulement avant que le conseil municipal ne réglemente pour bloquer temporairement tous les projets de développement immobilier.
«Il avait de l’information privilégiée, car il savait à quelle date il était prévu que le conseil se penche sur le règlement», estime Danielle Pilette.
L’experte en gestion municipale indique qu’une demande de permis ne «génère pas de droit acquis» tant que le dossier n’est pas entièrement approuvé.
Louis Freyd n’a pas rendu nos appels.
La ministre n'hésitera pas à intervenir
«Les faits rapportés concernant la situation entre la municipalité de Sainte-Mélanie sont troublants», a déclaré la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, vendredi après-midi.
Elle a confirmé que la Commission municiaple du Québec avait ouvert une enquête sur cette situation.
«Je vais attendre les conclusions de l'enquête et n'hésiterai pas à prendre les actions requises», a ajouté Mme Laforest.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.