Lanaudière au temps de la Guerre


Marie-France Bornais
Jeune retraitée de l’enseignement, la romancière France Lorrain connaît un succès grandissant auprès des lecteurs de sagas historiques depuis la parution de ses séries best-seller, La promesse des Gélinas, Au chant des marées et L’Anse-à-Lajoie. Elle propose maintenant une nouvelle série palpitante se déroulant dans la région de Lanaudière pendant la Deuxième Guerre mondiale, Sur la route du tabac.
Tandis que la Seconde Guerre mondiale n’en finit plus de finir, les Veilleux de Saint-Thomas, Théodore et Ernestine, veillent sur leurs enfants, dont quatre habitent encore à la ferme familiale.
À 17 ans, Claire rêve de vivre comme les autres jeunes malgré la maladie qui l’affecte depuis son enfance. Albertine et Arnaud, jeunes adultes, ressentent leurs premiers émois amoureux. Léandre, 13 ans, travaille dans les champs de tabac comme les autres membres de la famille.
Dans ce village fictif que France Lorrain situe près de Joliette, un premier contingent de femmes arrive au centre d’entraînement militaire. Ces femmes courageuses doivent recevoir une formation pour participer à l’effort de guerre. Leur arrivée sème l’émoi... et l’inquiétude au sein de la population. Des femmes dans l’armée ? Les recrues, dont Nellie et Charlie, doivent faire face aux jugements de plusieurs villageois qui doutent de leurs bonnes mœurs.
Les régions du Québec
France Lorrain avait envie de raconter un pan méconnu de l’histoire de la région de Lanaudière dans cette nouvelle série.
« Je me suis rendu compte, après Au chant des marées, qui était sur L’Isle-Verte, que je tripais vraiment à découvrir des territoires du Québec », dit-elle, en entrevue.
« J’aime vraiment travailler sur différents territoires : j’ai fait l’Abitibi, la Gaspésie, les Hautes-Laurentides, le Bas-Saint-Laurent. J’habite à Mascouche et je me disais qu’il était temps que je regarde ce qu’il y avait dans ma région. »
La tabaculture
En fouillant, elle a découvert à quel point la tabaculture avait été importante autour de Joliette.
« Je ne connaissais pas ça. Monsieur Janson était le dernier tabaculteur au Québec. J’ai trouvé son nom. Je ne suis pas très gênée et comme ses champs sont à peu près à 20 minutes de chez nous, à L’Assomption, je suis passée et je suis arrêtée pour aller le voir ! »
Elle a commencé l’écriture du roman puis est retournée discuter avec cet agriculteur qui lui a fait visiter ses terres et lui a raconté toute son histoire. Elle a également fait des recherches dans les archives régionales.
Chemin faisant, France Lorrain a découvert d’autres éléments importants.
« En 1944-1945, l’époque où je pose mon roman, il y avait un camp militaire à Joliette. Pendant une année, il y a eu des contingents de femmes qui arrivaient au camp militaire pour se former. J’ai fouillé et il y a très peu de documentation à ce sujet. Ça me permettait de faire un mix entre les Veilleux, ma famille de tabaculteurs et certaines femmes du centre militaire. Je trouvais ça intéressant à travailler. »
Les préjugés de l’époque
Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le Québec était encore très rural et traditionnel, l’arrivée des femmes dans un camp militaire a fait réagir la communauté.
« Les écrits montrent vraiment à quel point elles étaient considérées comme des femmes aux mœurs légères. Je voulais montrer que si une femme décide de prendre l’uniforme, c’est pas parce qu’elle a décidé qu’elle ne se mariera jamais ou qu’elle met de côté sa féminité. Ces femmes voulaient vivre l’aventure et découvrir le monde... mais quand elles arrivent au camp militaire, on leur offre des postes de secrétaires, des postes à la buanderie, des postes pour plier les parachutes. »
- France Lorrain a fait carrière dans l’enseignement avant de prendre sa retraite et se consacrer à l’écriture.
- Elle a écrit plusieurs livres pour enfants avant de connaître un grand succès avec ses sagas historiques.
EXTRAIT

« — J’en reviens juste pas ! On va faire rire de nous autres dans toute la région !
Théodore Veilleux ne décolérait pas depuis qu’il était revenu du bureau de poste de la rue Notre-Dame de Joliette. La nouvelle circulait partout dans les environs. En ces temps de guerre, toutes les raisons étaient bonnes pour discuter avec les autres habitants. On échangeait sur les mois qui s’étiraient sans signe de trêve, on se plaignait du rationnement, on partageait les échos reçus d’outre-mer... Mais abasourdi par cette rumeur folle qu’il avait entendue alors qu’il allait déposer les lettres destinées à des vendeurs de semences, Théodore s’était empressé de saluer le maître de poste avant de retourner chez lui pour informer sa famille. »