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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Pendant que ça traîne à Québec, l'ambition pour le tramway fait saliver à Helsinki

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Photo portrait de Karine Gagnon

Karine Gagnon

2023-03-29T17:42:01Z
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HELSINKI | Contrairement à Québec, qui tarde à planifier la phase deux de son tramway, à Helsinki, capitale de la Finlande, les autorités de transport planifient le développement des phases subséquentes au-delà de 2040, alors que le tracé sera presque multiplié par trois.

La présentation du projet de tramway par Helsinki region transport, mercredi après-midi, avait de quoi faire saliver la délégation de Québec, qui a aussi visité le chantier en cours. L’organisation mène de front trois projets sur rail qui feront passer le tracé du tramway de 52,6 à 142 kilomètres d’ici 2040. On planifie aussi une autre phase de 38 km après 2040. La phase du tramway qui est en construction s’étendra sur 25 kilomètres.  

Le tramway d’Helsinki s’étend sur 52,6 km et son tracé aura presque triplé en 2040.
Le tramway d’Helsinki s’étend sur 52,6 km et son tracé aura presque triplé en 2040. Photo Karine Gagnon

Pendant ce temps, à Québec, on peine à lancer la phase un qui comprend une première ligne de 19,3 kilomètres. C’est dire à quel point on a du retard et que tout est compliqué au Québec lorsqu’on planifie des infrastructures de transport collectif. 

Vision d’ensemble

L’exemple d’Helsinki, qui compte 660 000 habitants (à Québec nous sommes 550 000, c’est donc comparable), donne par ailleurs raison au maire de Québec et à la tendance observée un peu partout dans les villes, à l’effet que plus on offre le service, et plus les gens en veulent, car ils réalisent son utilité et ses avantages.  

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Dans la capitale finlandaise, où 60 % des déplacements s’effectuent en transports actifs ou collectifs, comparé à 40 % en voitures, on a aussi un plan d’ensemble qui inclut les infrastructures pour les piétons et le vélo.  

Seul hic, à Helsinki, on ne déneige pas de manière systématique ces aménagements, comme on le fait maintenant de plus en plus à Québec, où ce faisant, on observe une augmentation systématique des utilisateurs, comme l’a souligné le maire Marchand. Cela l’encourage d’ailleurs à aller de l’avant avec les corridors Vélo-Cité. 

Le tramway d’Helsinki s’étend sur 52,6 km et son tracé aura presque triplé en 2040.
Le tramway d’Helsinki s’étend sur 52,6 km et son tracé aura presque triplé en 2040. Photo Karine Gagnon

Et évidemment, comme partout dans le monde, la tendance est à la hausse pour le transport durable à Helsinki, alors que les transports représentent la plus importante source de pollution dans les villes. C’est vrai à Helsinki, où on vise la carboneutralité dès 2030, et c’est vrai aussi au Québec, où les transports routiers sont responsables de la majeure partie des émissions de GES. 

Mais surtout, cette ambition fournit d’autres arguments à l’effet qu’il ne faut pas attendre que la phase un soit réalisée pour réfléchir la suite et aller chercher l’appui des gouvernements supérieurs.  

Travaux à l’automne 

Le maire Marchand a préféré, mercredi, parler de «plan d’ensemble» plutôt que d’aborder la nécessité de plancher rapidement sur une phase deux. Empêtré dans les discussions sur les coûts, avec des délais qui pourraient repousser le début des travaux à l’automne, comme on a pu le comprendre durant la mission, il ne veut pas bousculer les choses «pour ne pas s’emmêler les pattes».  

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L’un des désavantages, et le maire l’évoque lui-même, c’est que les gens des banlieues, que ce soit Charlesbourg, Beauport, Vanier et autres, ne voient pas les avantages du projet pour eux.  

Mais le premier élu de Québec répète qu’il faut d’abord lancer la phase un et signer les contrats, pour ensuite se mettre rapidement à l’ouvrage pour la phase deux. Il est clair, lorsqu’on prend connaissance de la manière de réaliser ces projets en Europe, comme à Helsinki, que le Québec ne s’y prend pas de la bonne manière.  

L’ambition n’a pas de limite pour le tramway à Helsinki, qui compte sur le plus vieux réseau électrique au monde. Le maire Bruno Marchand et Pierre-Luc Lachance, vice-président du comité exécutif, ont été fort impressionnés par la visite du chantier en cours, en plein hiver.
L’ambition n’a pas de limite pour le tramway à Helsinki, qui compte sur le plus vieux réseau électrique au monde. Le maire Bruno Marchand et Pierre-Luc Lachance, vice-président du comité exécutif, ont été fort impressionnés par la visite du chantier en cours, en plein hiver. Photo Courtoisie

Je souligne aussi que si le gouvernement du Québec était plus ambitieux pour ce type de projet et n’hésitait pas autant à les appuyer, comme il l’a fait pour Québec en le retardant par ses tergiversations, on pourrait certainement mieux planifier. 

C’est d’autant plus crucial pour Québec que les libéraux fédéraux offrent d’ambitieux programmes de financement pour le transport en commun, depuis quelques années. Et comme on ne sait pas, d’une élection à l’autre, de quoi l’avenir est fait, il vaut mieux arriver premier. 

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Quant au choix du mode à Québec, pour la phase deux, Bruno Marchand envisage la possibilité d’autres modes également. C’est ce qu’ils ont fait à Helsinki, avec une approche combinant tramway, train léger, métro.  

«C’est spéculatif, a exposé le maire, mais on pourrait dire c’est un tramway vers Charlesbourg, on pourrait dire vers Lebourgneuf-Vanier qui est une ligne qu’il faut desservir nord-sud, c’est un trambus, un modèle en circuit fermé, on pourrait dire que pour relier l’aéroport au secteur Legendre, il y a une autre façon de faire. C’est pas obligé d’être un tramway (...) Il y a certainement des idées aussi qu’on peut importer».  

Troisième lien

Le plus important projet d’infrastructures de l’histoire de la ville d’Helsinki, le Crown Bridges, qui consiste en trois ponts réservés aux transports collectifs, de même qu’aux cylistes et aux piétons, est en construction présentement.  

On n’y prévoit aucune voie pour les automobiles, ce qui a d’abord été réclamé, mais vite écarté. « Parce que Helsinki déteste les automobiles », lance, sourire aux lèvres, Marja-Leena Rinkineva, la directrice du développement économique de la Ville, ajoutant qu’il existe déjà un pont pour les voitures. Il y a ici encore un parallèle intéressant à tracer avec les ponts Laporte et de Québec, versus la non-nécessité d’un troisième lien. Le maire souligne ici aussi l’intérêt de bien réfléchir et de penser pour l’avenir, en tenant compte de la tendance mondiale.  

Chantiers en hiver 

À Helsinki, malgré l’hiver, les travaux continuent. Précisant qu’il n’est pas un expert, le maire souhaite vérifier avec les responsables du projet ce qu’il est possible de faire à cet égard à Québec. Il s’agit d’un aspect très pertinent, comme le chantier pourrait bien débuter cet automne, avec les retards observés jusqu’à présent dus à la mise à jour des coûts, notamment. Bien sûr, l’hiver est moins rude en Finlande, avec trois fois moins de neige et bien que froides, les températures qui descendent rarement sous les moins 20 degrés, entre décembre et mars. Mais on a pu constater de nouveau que les projets d’infrastructures sont deux à quatre fois moins coûteux, de l’autre côté de l’Atlantique, et l’expertise très développée l’explique notamment. Ça vaut donc la peine de s’informer de leurs pratiques et de voir ce qui peut être importé chez nous pour tenter d’accélérer les travaux.  

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Représentation des femmes 

Il était épatant d’assister, mercredi matin, à une présentation sur le développement de la Ville d’Helsinki qui est dirigé par cinq femmes extraordinaires, soit Laura Uuttu-Deschryuere, directrice des relations internationales; Juhana Vartiaainen, directrice du développement économique de la Ville; Marja-Leena Rinkineva, directrice Helsinki Business; Paula Miettinen, Helsinki Business (entrepreneuriat), et Lina Oilinki, project manager, Climate Unit. L’implication des femmes dans l’administration et la politique, à Helsinki, fait partie de la culture, ont-elles expliqué. Après la deuxième guerre mondiale, on avait besoin que tous participent aux efforts de reconstruction, et on ne pouvait se permettre de mettre les femmes de côté. Fait intéressant également, le conseil municipal, dirigé par le maire Juhana Vartiainen, compte 85 élus dont une majorité de 48 femmes. J’aime à penser que cela contribue à faire en sorte qu’Helsinki se distingue comme la ville où les gens sont les plus heureux au monde, et parmi les plus sécuritaires, innovantes et en avance par rapport au développement durable. Le travail d’équipe, entre hommes et femmes, comporte de nombreux avantages. Québec, où les femmes sont très peu représentées encore dans les postes de direction et de pouvoir, devrait prendre des notes là aussi.  


Intensifier les échanges 

Le contexte géopolitique de la Finlande a beaucoup changé, notamment avec la guerre en Ukraine, et les maires de Québec et d’Helsinki y voient une belle occasion d’intensifier les échanges. 

La Russie est devenue persona non grata pour les pays membres de l’OTAN, et la Finlande, son voisin immédiat, recherche de nouveaux partenaires. Cela pousse la Finlande a se tourner, notamment, vers l’Amérique du Nord.  

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«Il y a des liens économiques à développer (...) On se ressemble», soutient Bruno Marchand, qui termine jeudi une mission d’observation sur le transport durable, les logements sociaux et l’itinérance.  

Les liens sont pour le moment à peu près inexistants, comme ont pu le constater les gens de la Ville de Québec dans l’organisation de la mission.  

Soulignant que le contexte n’a jamais été aussi favorable, le maire de Québec y voit des opportunités intéressantes pour les gens d’affaires de Québec. Il estime qu’il serait judicieux, pour le gouvernement du Québec, à réfléchir à la possibilité de nommer un ou une déléguée en Europe du Nord afin de maximiser les possibilités.  

Il est vrai qu’il assez surprenant que ce soit la déléguée du Québec à Londres qui soit responsable de ce territoire pourtant très éloigné de l’endroit où elle est basée. «Je vais en parler au gouvernement, c’est sûr, parce qu’il y a là une occasion à saisir, et elle ne restera pas pendant des années et les liens vont s’établir avec d’autres.» 

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