L’aide médicale à mourir n’est pas un bar ouvert

Louise Deschâtelets
J’ai envie de crier que la terre est pleine d’injustices. Je suis un homme gai issu d’un milieu rural. Des bouts difficiles, il y en a eu dans mes 70 ans de vie, mais une fois ma sortie du placard traversée, je n’ai jamais eu à me plaindre.
Plus jeune d’une famille de cinq, j’ai été gâté par une mère qui a vite senti ma différence et apporté son soutien dans un minimum de mots. Puis je me suis exilé à Québec pour finir mes études et vivre ma vie d’adulte librement. Plus tard, une de mes sœurs est allée prendre soin de notre mère dans sa maison après le décès de notre père.
Il y a 5 ans, quand elle-même est tombée malade, la décision familiale de mettre la maison en vente fut facile à prendre. Venant de prendre ma retraite, je me suis installé au chevet de notre mère jusqu’à la transaction se fasse. Puis notre mère s’est mise à dépérir, elle qui avait encore toutes ses facultés quelques mois avant.
Après son entrée en CHSLD, son grand déclin s’est amorcé. Je la visite tous les jours, mais elle ne me reconnait plus depuis deux ans et demi. Comme de mes quatre frères et sœurs il n’en reste plus qu’un, plutôt mal en point, je suis le seul à veiller sur celle qui, rendue à 99 ans n’est plus que l’ombre d’elle-même, et n’a plus aucune qualité de vie.
Vous allez sans doute trouver mesquin ce que je vais dire, même si je ne crois pas l’être, mais je ne comprends pas que le système ne permette pas d’aider à partir quelqu’un comme ma mère qui a repris la position foetale, qui ne se nourrit plus, et qui n’a plus aucune autonomie. Si je n’étais pas à son chevet plusieurs heures par jour pour soulager les pauvres préposées, je ne sais pas comment elles suffiraient à la tâche.
Je l’aime ma mère
Vous n’avez pas besoin de me le dire, je le sais et même je le sens que vous aimez votre mère. S’il n’y avait pas au Québec toute cette cohorte de proches aidants.es qui se dévoue comme vous le faites, le système serait mal en point.
Je comprends le désarroi que peut causer le fait de voir partir un être cher dans un état d’indignité affligeant, mais qui d’un point de vue moral, ne pourrait se passer autrement sans heurter la conscience d’une majorité de gens. Je ne peux que vous souhaiter le courage de passer au travers, et la sagesse de vous préserver des plages de respiration pour vous ressourcer.