«Lac-Noir»: un loup créé à Montréal par un artiste de maquillage reconnu à Hollywood


Guillaume Picard
Frédérik D’Amours a réalisé le rêve de sa vie en pilotant le tournage de la série de genre «Lac-Noir» qui n’aurait pas pu voir le jour sur Club illico sans la générosité de plusieurs artisans.
Il souhaitait depuis un long moment mettre en scène un suspense fantastique bien de chez nous, sans que ce soit trop gore ou sanguinolent, afin de rejoindre un large public. Le réalisateur de «Lance et compte» et d'«À vos marques... party!» en avait même glissé un mot à l’époque à la vedette de ce dernier film, Mélissa Désormeaux-Poulin, qui tient le rôle principal de «Lac-Noir».
Produite par Pixcom, «Lac-Noir» raconte l’histoire d’un village reculé des Laurentides où des choses terrifiantes surviennent, même en plein jour. Un loup rôde et, pour le rendre le plus réel possible sans recourir aux effets spéciaux numériques (CGI) parce qu’il «haït ça», Frédérik D’Amours a fait appel à son bon ami Adrien Morot, réputé dans le monde pour ses maquillages d’effets spéciaux.


«Sans lui, ce "show"-là n’existait pas», a dit le réalisateur à l’Agence QMI.
Montréalais d’origine, Adrien Morot a fait beaucoup de trucs au Québec avant d’être repêché par les grands studios californiens. Il a notamment bossé sur «The Revenant», le film mettant en vedette Leonardo DiCaprio et sur «Le monde de Barney», long métrage tourné au Québec qui lui a valu une nomination aux Oscars. Il a aussi été sur le plateau du regretté Jean-Marc Vallée pour la série «Sharp Objects» et sur plusieurs films de la franchise «X-Men» tournés dans la métropole.
C’est donc lui qui a conçu le loup qui sème la terreur à Lac-Noir, un petit bled où une policière de la ville, Valérie Roberge (Désormeaux-Poulin), est envoyée pour remplacer un agent qui s’est évaporé dans la nature. Accompagnée par son fils Dave (Anthony Therrien), Valérie ne vivra pas l’été tranquille qu’elle anticipait.
Pour parvenir à créer un loup qui se déplace debout sur ses pattes arrière, Adrien Morot a bossé depuis une chambre d’hôtel de New York pour la conception des designs et il a même couché à son atelier Morot FX Studio, à Montréal, pour faire avancer le projet avant de quitter pour la Nouvelle-Zélande pour un autre tournage. C’est son équipe qui a achevé le travail, disons-le, franchement convaincant dans les huit épisodes disponibles sur Club illico.


Des milliers d’heures ont été consacrées au loup par M. Morot et ses artisans, notamment lors de la finition, les poils ayant été installés un à un sur la bête.
«Ça demande une patience incroyable. Les poils sur la quasi-entièreté de la tête, des avant-bras et des jambes sont implantés un à un avec une petite aiguille. Ça a pris plus de deux semaines à toute une équipe pour faire cette étape», a révélé M. Morot dans un échange de courriels.
«J’étais entouré de personnes généreuses et dédiées, c’est un tour de force ce projet, qui a été réalisé en 40 jours avec un budget de 600 000 $ par épisode. Et pour le loup, ça a coûté la moitié moins cher», a indiqué Frédérik D’amours, qui est également reconnaissant envers les auteurs Charles Dionne et Martin Girard, qui ont dû travailler rapidement avec lui. Il a de plus louangé le travail de l’expert en maquillages spéciaux Bruno Gatien, qui a notamment bossé sur les victimes du loup. Quant à ce dernier, il prenait vie grâce à Mica, un homme de 6’7’’ qui se glissait dans le «costume» de la bête.
En attente du feu vert pour une deuxième saison, Frédérik D’Amours a dit que la courbe dramatique de la suite est prête. Québecor Contenu vient par ailleurs de présenter la première mouture au festival Séries Mania, ce qui pourrait faire voyager «Lac-Noir» vers de nouveaux publics.
Trois têtes pour un même loup

Trois têtes du même loup ont été fournies à temps pour répondre aux différents besoins du tournage.
La première est une tête animatronique pour les plans serrés (les oreilles et les yeux bougent, la gueule ouvre). La deuxième est une tête d’«attaque» pour les moments où le loup s’en prend à ses victimes (avec des dents en caoutchouc pour ne pas blesser les comédiens) et la troisième a une bouche fermée pour les plans larges ou de nuit.

Les têtes ont été transportées sur le plateau, à Wentworth-Nord, dans les Laurentides, alors que les équipes s’activaient depuis un moment à tourner les scènes de la série. Il a fallu s’ajuster sur place et les tournages se déroulaient souvent en plein bois, compliquant la donne.
Adrien Morot devait au départ se servir de vieux moules qu’il avait gardés pour Frédérik D’Amours, mais il dit avoir été «horrifié» de voir le travail qui avait été fait à une autre époque, qualifiant celui-ci de «terrible» et d'«embarrassant!»
Selon lui, il y avait un «manque de raffinement au niveau des traits et de la silhouette» et il a ajouté qu’il n’aurait «jamais osé réutiliser ces moules». Il est en revanche très fier du travail fait pour «Lac-Noir».