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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

«Lac-Mégantic: ceci n'est pas un accident»: à quand la prochaine tragédie ferroviaire?

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Photo portrait de Guillaume Picard

Guillaume Picard

2023-05-01T21:29:35Z
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Colère, impuissance, tristesse. Des émotions vives nous submergent en visionnant la série documentaire Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident, qui débarque sur la plateforme Vrai mardi.

Des larmes coulent en entendant les témoignages de proches des victimes. C’est le cas quand Pascal Charest raconte avoir perdu sa femme et ses deux filles dans le gigantesque incendie et les explosions successives ayant transformé le cœur de la municipalité estrienne en zone de guerre, au petit matin du 6 juillet 2013.

PHOTO FOURNIE PAR VRAI
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Les familles demeurent inconsolables près de 10 ans après que 47 personnes eurent été «incinérées en quelques secondes» lors du déraillement d’un train de la Montreal Maine & Atlantic (MMA) transportant 7,7 millions de litres de pétrole brut.

Mais ce qui est le plus difficile dans l’exercice se déclinant en quatre épisodes, c’est de constater que rien n’a vraiment changé. Quatre ans après avoir commencé à creuser le sujet, le réalisateur Philippe Falardeau, qui retrouve le format documentaire après avoir triomphé à La course destination monde en 1993, arrive au constat que non seulement il ne s’agit pas d’un accident, mais qu'une telle catastrophe surviendra ailleurs.

«La bombe à retardement est toujours active», a-t-il dit lundi, en marge du visionnement des deux premiers épisodes par les médias montréalais.

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Une telle catastrophe se reproduira, donc, et ça fait encore plus peur en sachant que le transport de pétrole sur rails a explosé de 28 000%, de 2009 à 2013. L’industrie ferroviaire continue par ailleurs de s’autoréguler et elle déplace des convois de plus en plus longs.

«[...] Non seulement les choses n’ont pas été réglées, mais les mêmes conditions qui existaient à Lac-Mégantic ont mené à d’autres accidents similaires», a ajouté M. Falardeau, en se corrigeant sur-le-champ d’avoir utilisé le mot «accident».

Transports Canada se défile

C’est encore et toujours l’argent qui prime sur la sécurité des Canadiens. Transports Canada, qui régule justement la sécurité dans les transports, a refusé à maintes reprises de déléguer un porte-parole pour répondre aux questions. Les ex-ministres des Transports Denis Lebel – muté à un autre ministère six jours après le déraillement – et Marc Garneau – qui a eu en main le rapport du Bureau de la sécurité des transports après la tragédie – ont aussi refusé l’invitation, de même que le premier ministre Justin Trudeau.

Dans le premier épisode, Falardeau remonte jusqu’au Dakota du Nord, d’où le pétrole brut est parti cinq jours avant d’enflammer Lac-Mégantic, passant d’abord par Chicago, Toronto et Montréal. Un compte à rebours ajoute de la tension, sachant ce qui attend les Méganticois.

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La mairesse sort de sa retraite

Si les autorités font la sourde oreille, en revanche on retrouve celle qui a guidé les Méganticois pendant la tempête, la mairesse de l’époque, Colette Roy-Laroche. Elle revient, dans les premiers épisodes, sur la gestion de la tragédie, saluant les gens qui l’ont épaulée pendant cette épreuve.

Tom Harding, le conducteur du train, brille par son absence, mais son ex-collègue Richard «RJ» Labrie, ne se défile pas. Et un homme qui aurait aussi pu fuir les caméras, mais qui ne l’a pas fait, c’est l’ex-PDG de la MMA, Edward Burkhardt. Il n’admet aucune responsabilité pendant l’entretien, renvoyant plutôt la balle à Transports Canada, qui, dit-il, a accepté en 2012 que les trains de la MMA soient opérés par une seule personne au lieu de deux.

Burkhardt, qui a mis son entreprise en faillite un mois après la catastrophe, affirme aussi que la ligne ferroviaire passant par Lac-Mégantic était en piteux état quand il l’a achetée au Canadien Pacifique (CP).

PHOTO FOURNIE PAR VRAI
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Grand danger

Anne-Marie Saint-Cerny, qui a signé le livre Mégantic, un train dans la nuit, cite le coroner qui s’est penché sur les 47 victimes en parlant d’une «tragédie prévisible, annoncée et qui aurait dû être évitée». Elle signale au passage que les bons de connaissement détaillant les biens transportés «ont été falsifiés» dans le cas qui nous occupe, ceci afin de ne pas refléter qu’il s’agissait de pétrole «explosif».

Philippe Falardeau souhaite que sa série documentaire «serve d’outil à ceux qui, peut-être, sont mieux placés politiquement», a-t-il indiqué.

Selon Mme Saint-Cerny, le gouvernement fédéral a des dizaines de rapports en main le prévenant d’un «grand danger», mais il laisse malgré tout les compagnies ferroviaires «s’autosurveiller» et «s’autoenquêter». C’est donc dire selon elle que «les autorités acceptent sciemment qu’il y [ait] des morts».

Joël Lemay / Agence QMI
Joël Lemay / Agence QMI

Produite par Trio Orange, en collaboration avec Québecor Contenu, la série documentaire Lac-Mégantic: ceci n’est pas un accident est disponible dès le mardi 2 mai sur la plateforme Vrai de Vidéotron.

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