La way qu’ej parle

Sophie Durocher
On a beaucoup rigolé de la publicité du faucon pèlerin du gouvernement de la CAQ, avec ses «sick», «chill», «quick» «watcher», «skills» et «sketch».
Mais force est d’avouer qu’elle a fonctionné à cent mille à l’heure: des millions de Québécois y pensent maintenant à deux fois avant d’utiliser un mot anglais! Et chaque fois que j’entends une animatrice parler de la «vibe» de la soirée ou un politicien dire qu’il va «shaker» le milieu de la santé, je sens que je ne suis pas la seule à grincer des dents.
Mais pendant qu’on se conscientise aux anglicismes et aux tournures de phrases anglaises, il y en a qui les glorifient.
LE MONDE EST «SKETCH»
Savez-vous ce qu’est l’«insécurité linguistique»?
«L’insécurité linguistique, c’er la thing qui arrive quance que des forces externes te font feeler tellement bad about la way que tu parles, que tu end up à te censurer pis tu arrêtes de t’exprimer de façon authentique.»
Vous ne comprenez pas grand-chose à cette explication?
C’est pourtant signé par un poète non binaire de l’Acadie et publié dans la très progressiste/woke/branchée revue Nouveau Projet, édition du mois de mars.
Voici un autre extrait du texte de Xavier Gould, intitulé L’euphorie dans ma bouche...
«Le terme ‘‘insécurité linguistique’’ peut être usé dans plein de contextes. D’habitude though, on le use quance que du monde en position de privilège dans la hiérarchie francophone nous font feeler comme de la marde, nous autres qui parlent pas le ‘‘bon’’ français. But, pourquoi’ce que j’userais un terme qui encourage un narrative de victimisation me rendant responsable de l’ignorance des autres?
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Ej pourrais passer une vie à raconter les différentes microagressions qui m’ont fait feeler insécure dans ma langue maternelle, but la pire qui revient le plus souvent, c’er quance que les Québécois.es barf up des mauvaises impressions caricaturales de moi, right en avant de ma face, unprovoked. Me jokes-tu? Pourtant, quance que les Québécois.es se font corriger par un.e Français.e pis zeux feelent de la frustration, on les victimes blame pas, on acknowledge leur microagression.»
(...)
C’er pour ça que from now on, ej va laisser les autres dealer avec leurs own insécurités face à la way qu’ej parle, pis moi, ej va leader avec l’euphorie linguistique.»
LA LOUISIANISATION?
Loin de moi l’idée de «barf up» des images caricaturales de gens qui massacrent le français. Mais j’essaye de comprendre ce qu’écrit Xavier Gould et je me trouve face à une question fondamentale : si la langue sert à communiquer, comment peut-on se comprendre si on ne parle pas la même langue?
Je ne parle pas ici d’expressions locales qu’on peut expliquer en quelques secondes à notre interlocuteur. Je parle d’une structure de phrase, je parle des mots, je parle des pronoms, je parle du sens même de votre propos qui échappe à la compréhension de l’autre.
Xavier Gould revendique le droit de parler sa «parlure», comme certains Québécois revendiquent le droit de parler franglais parce que Tokébekicitte» pis «j’ai le doua».
Mais à force de parler une langue truffée de mots qu’on est les seuls à comprendre, on risque de se folkloriser.
Est-ce que c’est ça qu’on wishe?