«La vie, c’est une job à temps plein»: des hommes apprennent à mieux gérer leur stress

Axel Tardieu
Chaque semaine, une dizaine d'hommes se réunissent dans une salle du Centre de Ressources pour Hommes de Montréal pour apprendre à canaliser leur stress et leur colère. Nous avons assisté à l'une de ces séances, dont la popularité a explosé depuis la pandémie.
Ce lundi, l’intervenant psychosocial Victor Hugo de Souza enseigne que le stress survient quand on perd le contrôle, quand on vit une menace pour son ego ou lorsqu’on se retrouve dans une situation nouvelle et imprévisible.
«Ça aide à mieux comprendre les émotions qu'on vit et pourquoi on les vit. On parle de comportements pour réduire le stress comme la respiration, la méditation, l'importance d’avoir des loisirs et des liens sociaux», explique-t-il.
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Geste agressif
«La vie, c’est une job à temps plein et on fait beaucoup d’overtime», lance Lionel Leclerc.
Ce mécanicien-soudeur de 61 ans s’est inscrit à l’atelier après avoir commis un geste agressif qui lui a couté son emploi.
«J’apprends à prendre du recul et à transformer mon stress en quelque chose de positif, en espérant qu'un jour mes anciens collègues me pardonnent», confie-t-il.

Tout le temps fâché
Pour certains des hommes rencontrés lors de l’atelier, les bouchons de circulation sont un facteur de stress qui peut les pousser à bout.
«Le trafic, ça m’énerve», admet le participant Richard Matte.
Le propriétaire d’immeubles de 63 ans raconte être venu chercher de l’aide parce qu’il avait du mal à gérer l’anxiété qu’il a développée à cause de la pandémie et de conflits avec des locataires.
«Je me comprenais mal, avoue-t-il. Je voulais être en paix avec moi-même. Je me demandais pourquoi j'étais tout le temps choqué après des situations, ça ne faisait pas une belle vie.»

Le stress de la vie adulte
À 27 ans, Mathieu Lachapelle est le plus jeune du groupe. Les raisons de présence: le difficile passage à la vie adulte et l’écoanxiété.
«Un jour, je me suis cogné la tête contre une laveuse en me fâchant, j’ai réalisé que quelque chose n'allait pas. Ce qui m’aide beaucoup, c'est d'identifier l’origine du stress», explique Mathieu Lachapelle.

Les séances de gestion de stress lui permettent d’éviter que l’anxiété ne se transforme en violence.
«La violence conjugale est beaucoup commise par les hommes qui ne savent pas comment s'exprimer, rappelle son intervenant Victor Hugo de Souza. La colère et la violence, c’est le dernier recours, mais en arrière, il y a d'autres émotions.»
Depuis 2020, les demandes pour participer aux ateliers du Centre de Ressources pour Hommes de Montréal ont doublé. Les participants doivent attendre jusqu’à trois mois pour obtenir une place.
Une société anxiogène
À Québec, l’organisme Autonhommie offre des séances similaires. Là aussi, les demandes ont bondi: 66% de hausse depuis la pandémie.
Comment expliquer un tel engouement?
D’abord, la société dans laquelle on vit est anxiogène, affirme le coordinateur clinique de l’organisme, Vincent Chouinard.
Ensuite, c’est de plus en plus normal — et encouragé — pour les hommes de demander de l’aide.
«Avant il y avait vraiment le modèle de l'homme stoïque qui absorbe les difficultés, qui est infaillible, qui est un superhéros, et qui finissait toujours par craquer», souligne-t-il.

Un plan d’action abandonné
Ces ateliers tombent à point alors que Québec a abandonné son Plan d’action en santé et bien-être des hommes pour les deux prochaines années, mentionne le professeur de l’Université Laval, Simon Coulombe.
«On n'a plus de financement et on doit se débrouiller pour rester en vie, dit ce chercheur responsable du pôle d'expertise et de recherche en santé et bien-être des hommes.
Des organismes qui offrent des services en santé mentale partout au Quebec seront affectés par cette décision, selon lui.