La vie après 53 ans de poutines pour le fondateur de Chez Ashton
Ashton Leblond revient sur la vente de son entreprise


Valerie Lesage
Se séparer d’une entreprise qu’on a bâtie et dirigée pendant 53 ans, c’est se couper d’une part de soi. Et Ashton Leblond avoue qu’il a trouvé difficile de «se tasser», lorsqu’il a vendu Chez Ashton à de jeunes entrepreneurs le 2 mars dernier.
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Il était alors dans sa résidence en Floride, où les courtiers en vente d’entreprise de GB2C l’ont joint pour le rassurer et finaliser deux ans de négociations. Le 7 mars, l’entrepreneur a fêté ses 74 ans avec des amis, habité par l’angoisse.
Il devait revenir au Québec le même mois, mais il s’en est senti incapable, alors il a étiré l’élastique du snowbird jusqu’au 30 mai.
«Habituellement, quand je revenais de Floride, je rentrais au bureau le lundi. Mais là, j’ai senti ma liberté. C’est comme si on m’avait enlevé un poids que je ne savais pas que j’avais. Et j’ai retrouvé ma joie de vivre!» relate l’homme d’affaires, rencontré dans le Vieux-Port de Québec, un endroit où il aime marcher au bord du fleuve Saint-Laurent.
Il lui a fallu encore un mois pour remettre les pieds dans un Ashton et y manger une de ses fameuses poutines.
«J’y suis allé et personne ne s’est rendu compte que c’était moi. Je suis devenu un gars ordinaire et je l’accepte. J’ai payé ma poutine pour la première fois de ma vie!» raconte-t-il en souriant.
Vendre à des jeunes
Avouons que ça doit quand même faire un choc. Bâtir une marque renommée et du jour au lendemain, s’effacer.
«J’ai eu plus de félicitations pour avoir vendu à des jeunes que pour ce que j’ai bâti en 53 ans!» dit-il.
Au fil des ans, il a été approché par de gros joueurs, comme MTY, Normandin et même Tanguay. Mais M. Leblond n’était pas prêt – il voulait vraiment passer le cap des 50 ans de restauration avant de vendre – et quand le couple Émily Leblanc et Jean-Christophe Lirette a voulu acheter, il s’est laissé convaincre.
Même qu’il a vendu l’entreprise sous sa valeur marchande pour que les jeunes restaurateurs de 33 ans de la région puissent aller de l’avant. Déjà propriétaire de Chez Ti-Oui, à Saint-Raymond, ainsi que de trois restaurants Harvey’s, le couple partageait le même souci que M. Leblond de respecter les employés et d’offrir des produits locaux frais.
Mission accomplie
Originaire de l’Estrie, Ashton Leblond a grandi dans une famille pauvre de 18 enfants et il a «importé» la poutine à Québec en 1972. Au snack-bar Ashton de L’Ancienne-Lorette, il a inventé sa propre sauce et la faisait découvrir avec le fromage en grains.
Personne ne voulait de sa poutine, mais il se disait que ça prendrait le temps que ça prendrait, et que le monde allait en manger ! Six ans plus tard, ça décollait et l’empire de la poutine Ashton allait finalement compter 23 restaurants dans la région de Québec et en Beauce.
Aujourd’hui, M. Leblond se dit qu’il a accompli sa mission et qu’il y a une autre vie devant lui. Il s’est acheté une BMW électrique, un bateau pour naviguer sur le lac Saint-Joseph et un chalet en Estrie pour voir davantage ses filles installées à Montréal. Il s’occupe de ses rocailles et il a perdu 20 lb en se remettant en forme.
«Je vis maintenant des journées magiques», dit-il, précisant avoir amorcé son détachement deux ans avant la vente. Il s’est dit qu’il devait aller moins souvent dans ses restaurants pour apprendre la vie sans eux.
Un ancien joueur de hockey le floue de 288 000 $ US
Floué par un investisseur qui lui doit 288 000 $ US et intérêts, Ashton Leblond a perdu espoir de récupérer un jour son argent.
«Il l’a sûrement dépensé cet argent! Ça n’a pas de cœur ce monde-là!» lance l’homme d’affaires récemment retraité.
En 2017, M. Leblond, alors propriétaire des restaurants Chez Ashton, avait rencontré en Floride un dénommé Christian Gosselin, joueur de hockey repêché par les Devils du New Jersey, qui se présentait comme un investisseur avec un projet de construction de maisons modulaires aux États-Unis.
«Il est venu sur mon bateau, il se montrait gentil et j’ai investi dans son projet pour l’aider. Mais il m’a trahi!» se désole M. Leblond.
Condamné
Christian Gosselin n’a pas livré le nombre de logements prévus dans le projet en collaboration avec Perma-structures, et M. Leblond n’a jamais touché les redevances de 10 % sur les ventes prévues au contrat.
En 2019, un jugement de la Cour supérieure du Québec a condamné Christian Gosselin à rembourser à M. Leblond son investissement, mais en vain.
M. Leblond a aussi fait homologuer le jugement en Floride. Puis, en juillet dernier, repéré au Québec par une publication Facebook de sa conjointe, Christian Gosselin a été obligé de rencontrer les procureurs d’Ashton Leblond, à la suite d’une nouvelle procédure. Cela n’a toutefois pas donné de résultat positif.
Méfiance
Ce qui choque d’autant plus M. Leblond, c’est que Gosselin doit des sommes importantes à d’autres investisseurs, dont des personnes âgées de Sillery.
Aussi, il invite les gens à se méfier de l’individu et à se protéger avant d’investir dans un quelconque projet immobilier.
«Moi, je ne voudrais surtout pas revivre une affaire de même!» lance-t-il avec émotion.
CHEZ ASHTON
Année de fondation : 1969
Lieu du siège social : Québec
Secteur d’activité : Restauration
Nombre d’employés : 650
PROFIL D'ASHTON LEBLOND
Poste : Fondateur
Âge : 74 ans