La une des journaux américains, comme si vous y étiez!
Le journaliste Antoine Char publie 25 ans d’observation des salles de presse américaines


Mathieu-Robert Sauvé
Les États-Unis offrent le meilleur et le pire, et Antoine Char s’est intéressé «au meilleur» en observant le travail des journalistes en pleine action quand ils doivent trouver les bons mots et les bonnes images pour le journal du lendemain.
«J’ai toujours été intrigué par les États-Unis depuis l’assassinat de John F. Kennedy en 1963; j’avais 13 ans et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps», relate l’ancien journaliste de l’Agence France-Presse et de La Presse Canadienne, qui a consacré les 22 dernières années de sa carrière à l’enseignement du journalisme à l’UQAM.
Deadline America relate ses observations des salles de presse de quotidiens américains au moment de boucler le journal du lendemain, plus précisément la une. Ce récit de plusieurs voyages aux États-Unis à partir de 2000 jusqu’à 2024 captivera les passionnés de journalisme autant que les lecteurs intrigués par le mystère de la démesure américaine.

Trump réélu!
L’ouvrage s’ouvre sur son observation de la salle de rédaction du Dallas Morning News le soir de la réélection de Donald Trump en 2024. Il est là lorsque le photographe Juan Figueroa revient du terrain avec 300 photos d’électeurs (seulement quatre seront publiées) et il observe la réalisation de la maquette du journal à paraître le 5 novembre. La une montre une photo pleine page du candidat victorieux et ce simple titre: «Donald Trump, President-elect of the United States, 45th and 47th president».
Char assiste à la confection d’éditions qui marqueront l’histoire, comme celle du Chicago Tribune annonçant la quasi-victoire de George W. Bush (les votes devront être recomptés; le journal titre prudemment «As close as it gets», ou «Aussi près que possible») en 2000. Il témoigne aussi de la confection d’un quotidien de l’Oklahoma à la suite de l’exécution de Timothy McVeigh, auteur d’un attentat meurtrier: «A chapter closes» («Un chapitre se termine»).
Pourquoi les unes?
La une des journaux constitue pour ce chercheur un condensé des tensions qui caractérisent le métier de journaliste. Les reporters et photographes doivent apporter des contenus fouillés et novateurs; pupitreurs, réviseurs, graphistes et autres professionnels doivent les faire entrer dans un canevas précis. Les décisions doivent être prises rapidement et on n’a pas droit à l’erreur. Du moins, en principe; les erreurs sont inévitables dans tel contexte, et l’auteur les relate. Des journaux trop pressés de partir à l’impression ont annoncé des présidences inexactes. Par exemple le Chicago Daily Tribune, qui a donné Thomas Dewey victorieux plutôt qu’Harry Truman en 1948.
«La fabrication de la une d’un journal imprimé, c’est déjà de l’histoire ancienne pour de nombreuses publications qui ont cessé de paraître. Une centaine de quotidiens ont disparu des États-Unis depuis 2000», déplore le journaliste originaire de Dakar, au Sénégal.
Mais le journalisme est là pour de bon, lance-t-il, peu importe la forme du média...
Antoine Char, Deadline America, Some toute, 270 p., 34,95$