La triste histoire de la première arbitre dans le baseball majeur
«Va me faire un sandwich», «le baseball est brisé», «est-ce qu’elle va pleurer?», «elle devrait rester dans la balle-molle»


Jean-Nicolas Blanchet
«Va me faire un sandwich», «le baseball est brisé», «est-ce qu’elle va pleurer?», «elle devrait rester dans la balle-molle».
Voilà quelques-uns des milliers de commentaires des amateurs de baseball concernant les débuts de Jen Pawol, qui est devenue cet été la première femme arbitre dans les ligues majeures de baseball.
C’est triste comment ç’a viré.
Le baseball est, à la base, un sport ultraconservateur. Rajoutez à ça les discours masculinistes qui résonnent fort dans certaines tranches de la population. Ce mélange faisait en sorte que l’arbitre de 48 ans partait avec deux prises. Elle allait devoir être pratiquement parfaite pour éviter une avalanche de haine et de mépris.
Et ça n’a pas été le cas. Elle n’a pas été parfaite. En fait, factuellement, elle a été parmi les pires arbitres de la ligue, cette saison. Sur les 92 arbitres de la MLB en 2025, 88 ont été meilleurs qu’elle. Pawol a raté 7,25% de ses appels, selon le site de compilation UmpScorecards. Le meilleur en a raté 3,72%.
Premier match difficile
Ce qui ne l’a pas aidée non plus, c’est lorsqu’elle s’est retrouvée derrière le marbre pour la première fois le 9 août. Il y avait beaucoup d’yeux rivés sur elle.
Sur le premier lancer du match, la balle était clairement à l’extérieur de la zone des prises. Elle l’a déclarée prise. Durant le match, elle a raté 14 appels. C’est trop et de loin supérieur à la moyenne.
Ainsi, peu importe la suite, le ventilateur à insolences était parti et inarrêtable.
Car après ses débuts difficiles, Jen Pawol s’est ajustée et a été excellente. À son dernier match, le 18 septembre, elle a été l’une des meilleures de la soirée à travers toute la ligue en ratant seulement cinq appels. Mais encore là, ce qu’on lisait, c’est que ce n’était pas un match stressant. Que ça opposait deux équipes déjà éliminées.
Tout compte fait, pour une recrue, son rendement s’est grandement amélioré de match en match et si ce n’était pas de sa première rencontre difficile, son bilan serait très bon. On peut imaginer qu’elle était nerveuse.
Mais ce qu’on voit partout, ce sont des vidéos de ses appels ratés. Plusieurs publications de sites à clics ont exposé, erronément, qu’elle était la pire arbitre des ligues majeures.
Le pourquoi des critiques
Si les critiques étaient seulement qu’elle était mauvaise, je n’aurais aucun problème avec ça. Ça fait partie du baseball de chialer après les arbitres.
Mais là, les critiques, c’est qu’elle est mauvaise parce que c’est une femme.
Il y a 27 ans, je jouais moustique AA au baseball. Une fille était venue arbitrer. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je me rappelle même son nom. C’était au parc Prévert, à Québec. Un parent de l’autre équipe lui avait crié: «Retourne à tes chaudrons!» C’était une gamine. Elle devait avoir 15 ans.
Je m’en souviens parce que mon père m’en avait parlé longtemps dans l’auto après pour m’expliquer à quel point ça n’avait aucun sens de dire ça.
Presque 30 ans plus tard, on est tous rendus branchés à internet, on peut se parler en se voyant sur le téléphone et des voitures fonctionnent avec des batteries, mais il y en a encore pour dire que les femmes doivent se concentrer à faire des sandwichs.
Au moins, Jen Pawol n’aura plus à subir autant de haine la saison prochaine avec l’arrivée des robots arbitres. Cette formidable technologie fera en sorte que le faible pourcentage de mauvaises décisions sera révisé et corrigé. Ainsi, pour tous les matchs, pratiquement 100% des décisions importantes seront les bonnes.