La transition énergétique de la CAQ: le peuple québécois doit être consulté

Stéphane Poirier, Professeur de géographie au Centre matapédien d’études collégiales, Membre du collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec
La CAQ a développé une nouvelle stratégie pour parvenir à ses fins: créer artificiellement une pénurie d’énergie en submergeant Hydro-Québec de demandes en besoins énergétiques industriels, notamment dans les filières batterie et hydrogène vert.
En effet, on s’empresse d’initier un projet de décarbonation de l’économie sans vision structurante impliquant l’ensemble des acteurs socio-économiques du Québec.
Résultat: Hydro-Québec se retrouve submergée et incapable de faire face à cette demande titanesque. Solution: mettre fin au monopole de la distribution de l’électricité afin de décarboner le Québec tout en poursuivant cette fameuse réingénierie de l’État.
Mettre fin au monopole
En effet, plusieurs rêvent de mettre fin au monopole d’Hydro-Québec depuis un bon moment. Depuis de nombreuses années, des brèches ont été ouvertes dans «le barrage» de notre plus grand héritage de la Révolution tranquille. On se souvient des mini-centrales hydroélectriques privées, des projets de centrales thermiques comme celles du Suroît et de Bécancour, du développement éolien privé, du dossier de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures et, actuellement, du boom d’autoproduction énergétique privée.
En 2003, lors du projet du Suroît, on nous alarmait sur une possible pénurie d’énergie et ses conséquences catastrophiques si on ne construisait pas plusieurs centrales thermiques. Aujourd’hui, une rhétorique similaire est utilisée pour justifier la transition énergétique: si le Québec veut réussir la décarbonation de son économie, il doit passer en mode autoproduction industrielle.
Pour décarboner l’économie de manière équitable et profitable pour le Québec, il serait plus judicieux de renationaliser ce qui a été perdu, notamment la production éolienne, de mettre en place une réelle filière de l’efficacité énergétique et de s’assurer du contrôle collectif du secteur stratégique qu’est celui de l’énergie. Par ailleurs, on a développé une grande expertise concernant la technologie des batteries grâce à l’Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ), pourquoi ne pas nationaliser la filière batterie pour relever les défis du XXIe siècle?
Référendum
Il sera crucial de surveiller de près le dépôt du projet de loi du ministre «super-néolibéral» Pierre Fitzgibbon légalisant la vente directe d’électricité d’une entreprise privée à une autre.
Certains préféreront attendre de voir le contenu dudit projet de loi avant de tirer des conclusions hâtives. Cependant, le Québec a déjà assez attendu dans ce dossier névralgique. La société civile doit mettre de la pression afin de forcer la main de ce gouvernement pour qu’il confirme à la population québécoise ses réelles intentions dans ce dossier.
La CAQ est connue pour son approche improvisée (ou orchestrée), comme en témoigne la gestion du projet Northvolt.
Si le gouvernement souhaite privatiser en partie ou en totalité Hydro-Québec, qu’il ait le courage de ses convictions, qu’il déclenche une élection référendaire de mi-mandat uniquement sur ce seul sujet à l’instar de l’équipe de Jean Lesage en 1962.
Hydro-Québec est le socle de notre prospérité économique. Vouloir dénationaliser notre société d’État doit passer par le consentement du peuple québécois. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre Hydro-Québec; il en va de l’avenir énergétique, environnemental et socio-économique du Québec.

Stéphane Poirier, Professeur de géographie au Centre matapédien d’études collégiales, Membre du collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec