La soeur de Cédrika Provencher se confie dans une rare entrevue bouleversante sur son deuil impossible

Caroline G. Murphy (Le Sac de Chips)
Le 31 juillet 2007, la disparition de Cédrika Provencher a marqué le Québec en entier.
Et pour Mélissa Fortier-Provencher, qui allait rester pendant de nombreuses années «la grande sœur de Cédrika», la vie allait changer à jamais.
Celle qui avait 11 ans à l’époque du drame s’est confiée pour une rare fois sur son cheminement à travers ce deuil difficile, voire impossible, au podcast Faut qu’on en parle.

Durant cet échange bienveillant d’environ une heure avec les animatrices Laurie Bourassa et Rosalie Béland, la maman d’une petite fille de trois ans se livre à cœur ouvert et revient sur les événements, les répercussions de ce drame, la vie familiale et la reconstruction.
Voici quelques passages bouleversants de cet entretien avec Mélissa:
1. «Le soir même, on la cherchait. On allait chez les voisins, chez ses amis. Je regardais ma mère en auto et je savais que quelque chose n’allait pas. Je me disais, il y a quelqu’un qui a fait quelque chose de mal à Cédrika. Je ressentais déjà que quelque chose n’allait pas.»
2. «Au début, la police restait à la maison et proche. Je n’étais pas capable de me coucher dans ma chambre. Je dormais sur le divan. Après, j’ai été traumatisée longtemps. J’avais assimilé que quelqu’un de méchant avait pris ma sœur, je me demandais s’il allait revenir, je dormais dans la chambre de ma mère pendant 1 mois, 2 mois...»

3. «Ma mère avait aussi un bébé de un an à la maison, alors on faisait attention, pour lui... Et quelques jours après les événements, c'était sa fête... et Cédrika lui avait acheté un cadeau avec ses sous. Là, ç'a été épouvantable.»
4. «À moment donné, on a commencé à en parler avec bonheur. Ma fille de 3 ans sait qu’elle a une tante, qu’elle est rendue dans les étoiles.»
5. «Le dernier souvenir que j’ai d’elle, c'est plate, mais on se chicanait. Elle ne me laissait pas ma bulle, fack elle m’a suivie au parc pour qu’on se réconcilie. Je m’en suis voulu longtemps. J'avais vraiment gros de culpabilité.»
6. «Je ne suis pas Mélissa Fortier-Provencher, je suis la sœur de Cédrika. C’est dur, tu es toujours dans l’ombre de ta sœur [qui n’est plus là].»
7. «J’aimerais ça ne pas être autant protectrice [avec ma fille de trois ans], mais j’anticipe le fait de l’être... Maintenant, je me demande comment ma mère a fait pour continuer tout ça en perdant sa fille.»
8. «Il y a eu plusieurs tentatives de suicide pendant mon secondaire... J’avais de la misère à l’école, avoir l’étiquette de ma sœur, me faire expliquer la roue du deuil, mais comment tu veux que je commence alors que je ne sais pas si elle est morte ou pas? J’étais super anxieuse, ça m’a créé beaucoup de peur. Aussitôt qu’une auto me suivait, je paniquais. Ça m’est déjà arrivé de contacter la police. Je voyais toujours le même monsieur au centre d’achat. Avec ce qui est arrivé, j’ai pris une autre vue sur le monde. J’ai tellement peur que ça se reproduise, j’ai tellement peur que ça arrive à ma fille...»

9. «Avant 2015, je ne faisais pas de deuil, juste de l’espoir. Quand ma mère m’a appelé pour me dire qu’on avait trouvé les ossements, c’était une claque dans la face. Et ça a pris du temps à accepter... J’étais dans le déni. Quand ma mère m’a dit qu’il fallait que je vienne à la maison parce que la SQ voulait nous rencontrer, je le savais. Je suis allée, ils n'étaient pas encore là, je me suis mise devant la porte de la maison et je ne voulais pas qu’ils rentrent.»
10. «J’ai réussi à mettre ça un peu de côté pour vivre pour moi. Avant, je vivais pour ma sœur. Je ne voulais pas faire subir une autre perte à mon entourage. Maintenant je suis maman, je vis pour moi. Et pour ma fille. Je ne veux pas mettre cette pression-là sur mon enfant... mais ça reste que ma fille m’a sauvée.»

11. «Je vois ma sœur dans ma fille. Elle lui ressemble tellement. Autant physiquement que par son caractère. Elle veut aider, elle est tellement serviable. Mais c’est dur parce que je vois la naïveté de ma sœur dans ma fille. Il va falloir que je tue son innocence à elle aussi... [...] Je vais devoir lui expliquer. Mais sans lui dire “le monde est méchant...”»

12. «J’accepte qu’elle n’est plus là. Mais j’ai de la misère. J’ai de la jalousie quand je vois des gens qui ont des liens avec leur frère et leur sœur. J’ai 14 mois de différence avec ma sœur. C’était un premier amour. C’était ma moitié. J’ai tout perdu. Les repères... Quand j’avais de la misère à dormir, j’allais la rejoindre dans le lit pis elle me flattait les cheveux.»
13. «Quand je me suis rendu compte que j’avais oublié la voix de ma sœur, ça m’a fait mal. [...] Je regarde des photos. Mais des vidéos, où je la vois bouger, où je la vois vivre, ça me fait mal.»
Le podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoutes, et peut également être visionné sur YouTube:
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