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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Vrai ou pas? La science derrière le film sur le «père de la bombe nucléaire» Oppenheimer

Petit guide pour se préparer au film qui vient de sortir en salle

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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2023-07-25T20:00:00Z
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La mise au point de la bombe atomique de 1939 à 1945 a donné lieu à un épisode marquant de l’histoire des sciences (et de la guerre) dans un monde marquant la naissance de l’énergie nucléaire où Montréal a joué un rôle longtemps gardé secret.

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Le film Oppenheimer de Christopher Nolan, qui vient de sortir en salle, raconte l’histoire du physicien américain à la tête du Projet Manhattan. Ce nom de code référait à un projet de recherche ultra secret qui mena à la production de la première bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale. Cillian Murphy y joue «le père de la bombe atomique» et Matt Damon l’officier américain qui le supervisait. Le Journal s’est demandé si le scénario du film à caractère historique avait été trop romancé ou plutôt fidèle à la réalité. 

Petit guide pour se préparer au film.

Photo Melinda Sue Gordon
Photo Melinda Sue Gordon

Un peu d’histoire pour comprendre 

La découverte de la fission nucléaire par une équipe allemande en 1938, alors que Hitler annexe l’Autriche, donne lieu à une course trépidante qui va culminer par le largage des deux bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki en août 1945. Les Américains ont gagné la course à l’armement nucléaire et la guerre s’est terminée aussitôt.  

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Mais cette course n’était pas imaginable quelques années plus tôt. Sans recherche fondamentale sur l’énergie nucléaire, il n’y aurait pas eu de bombe. Comme sur le champ de bataille, deux camps se sont affrontés dans les laboratoires de physique. 

La fusion est le procédé où deux atomes d’hydrogène s’unissent en un seul tandis que la fission est celle où un atome d’uranium se divise en deux. Le second provoque une immense énergie, mais produit des émanations radioactives dangereuses qui peuvent durer des siècles, voire des millénaires.  

Si la fission peut être utilisée pour fabriquer une bombe très puissante, elle n’était qu’une possibilité théorique jusqu’à une expérience menée en Allemagne en 1938 (publiée l’année suivante). Cette expérience mènera au Projet Uranium des nazis qui sera un échec. Le film ne fait mention de cette rivalité qu’indirectement, quand les chercheurs apprennent l’évolution des travaux de l’autre camp dans les journaux.   

Éditions le cherche midi
Éditions le cherche midi

«Big Science»  

Réunissant beaucoup d’argent et des centaines de chercheurs de haut niveau des États-Unis mais aussi d’Europe et du Canada, le Projet Manhattan dirigé par le brillant Robert J. Oppenheimer est le premier projet de «Big Science» (ou mégascience) à voir le jour. «La Big Science permet de mettre les meilleurs cerveaux de l’heure et un gros budget international autour d’un projet scientifique commun», résume l’historien des sciences et physicien Yves Gingras, de l’UQAM. 

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Construit au coût de plusieurs milliards de dollars, le grand collisionneur de hadrons, un anneau de 27 km où des particules s’entrechoquent à grande vitesse, aux frontières de la France et de la Suisse, est un bon exemple de genre de mégaprojet scientifique. Il permet d’étudier la physique des particules et la cosmologie.  

Le projet Génome humain, qui a pour objectif le séquençage complet de l’ADN humain d’ici 2026, est un autre exemple de Big Science. C’est un projet évalué à 3 G$ qui réunit depuis 2003 des centaines de spécialistes de haut niveau à travers le monde. 

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES
PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES

Lien secret avec Montréal

Le laboratoire secret de Montréal ne jouera pas un rôle significatif dans la mise au point des bombes sur Hiroshima et Nagasaki, mais rassemblera des chercheurs de très haut calibre comme Hans Alban, Lew Kowarski et Bertrand Goldshmitt. Ces physiciens montréalais permettront le développement de l’énergie nucléaire à des fins civiles, souligne Gilles Sabourin, auteur de Montréal et la bombe (Septentrion), qui relate la participation du laboratoire de l’Université de Montréal au projet Manhattan.  

«En menant des expériences sur l’eau lourde et l’usage de certains isotopes, ils créeront le réacteur Candu, qui sera utilisé pour produire de l’électricité», résume-t-il. C’est au Québec que les chefs d’État des pays alliés (Churchill, Roosevelt et Mackenzie King), donnent le coup d’envoi au laboratoire en signant une entente secrète. 

  •   Écoutez la rencontre Lorange-Villemure avec Philippe Lorange, étudiant à la maîtrise en sociologie au micro de Rémi Villemure via QUB radio : 
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Bombe H

Le film insiste beaucoup sur les problèmes de conscience d’Oppenheimer à la suite de l’explosion des bombes sur le Japon. Il refuse, par exemple, de s’engager sur la voie du développement de la bombe à hydrogène (bombe H). Or, cette nouvelle arme 10 à 100 fois plus puissante que la bombe atomique n’est encore qu’une possibilité théorique après la guerre. La bombe H, qui sera une réalité en 1952, est notamment déclenchée par une bombe atomique. 

Exclu des projets militaires du gouvernement américain par un comité disciplinaire, Oppenheimer ne participera donc pas à cette étape de la course à l’armement. Mais le professeur Gingras tient à mentionner que le patron du projet Manhattan avait participé activement au comité chargé de choisir Hiroshima et Nagasaki en 1945. Le film passe trop rapidement là-dessus à son avis, laissant l’impression qu’Oppenheimer était «la conscience morale de l’ère atomique».  

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES
PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES

Et il est comment, ce film? 

Le professeur et physicien Yves Gingras accorde 9 sur 10 au film du réalisateur anglais. «Je ne me suis pas ennuyé une seconde!», s’enthousiasme-t-il.  

Détenteur d’une maîtrise en physique et d’un doctorat en histoire des sciences, le professeur Gingras était impatient de voir le long-métrage mettant en vedette Cillian Murphy dans le rôle-titre de Robert J Oppenheimer. 

«Le film est très fidèle à la réalité telle qu’elle a été rapportée dans la littérature scientifique. L’acteur qui incarne Oppenheimer est quasiment un sosie du physicien américain et Matt Damon incarne un général Groves criant de vérité.» 

Officier supérieur de l’armée américaine, le général Leslie Richard Groves a les pleins pouvoirs pour développer la bombe atomique. Dans le film, c’est lui qui place Oppenheimer à la tête de l’équipe scientifique en dépit de son comportement douteux – il est un coureur de jupon notoire et flirte avec les communistes. Cette confiance aveugle a été déterminante dans le succès du projet Manhattan, estime le professeur Gingras. 

Les trop nombreux effets spéciaux représentant des images de trous noirs et collisions atomiques dans la tête du protagoniste et le côté «caricatural» du personnage d’Albert Einstein comme un savant fou aux cheveux hirsutes sont les seuls défauts du long-métrage à ses yeux. 

Yves Gingras
Yves Gingras Photo Courtoisie

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