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L'article provient de Le Journal de Québec
Affaires

La saignée des automobilistes

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Photo portrait de Michel Girard

Michel Girard

2022-03-12T10:00:00Z
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En raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, c’est incroyable de voir à quel point les intervenants de l’industrie pétrolière canadienne profitent de la flambée du prix du pétrole sur les marchés mondiaux pour se remplir les coffres sur le dos des automobilistes québécois et canadiens. 

Je fais ici référence aux producteurs de pétrole canadien, aux raffineurs, aux grossistes et aux grandes chaînes de détaillants. Il y a vraisemblablement une exception : les petits propriétaires de dépanneurs, lesquels n’auraient droit qu’à une fraction de la marge de détail empochée par les grandes chaînes de stations-service.  

Voici ce qui se passe. Les producteurs de pétrole canadien profitent non seulement de l’explosion du prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux, mais également de la force du dollar américain par rapport à la devise canadienne.  

Comme le prix du baril de pétrole se négocie en dollar américain et que celui-ci vaut 1,27 $ canadien, les producteurs canadiens revendent leur pétrole avec une prime de taux de change de 27 %. Déjà en partant, nos producteurs y sont nettement gagnants puisque leurs coûts de production sont en monnaie canadienne.  

Cela dit, comme le prix du baril de pétrole a explosé de 44 % depuis le début de la nouvelle année, on s’entend que tous les producteurs de pétrole de par le monde vont encaisser des profits à pleines portes.  

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LE PACTOLE BOURSIER 

C’est ce qui explique pourquoi les actions des compagnies du secteur énergétique ont enregistré en Bourse de très fortes hausses depuis le début de l’année, soit de 30 à 45 % en l’espace de seulement deux mois et demi. 

Les actionnaires des six grandes sociétés pétrolières canadiennes se sont enrichis sur papier d’une soixantaine de milliards de dollars depuis le commencement de l’année.  

Voici les sociétés en question et la hausse de leur capitalisation boursière en ces deux premiers mois et demi de 2022.   

  • Canadian Natural Resources : 27,5 milliards $   
  • Suncor Energy Inc. : 11,6 milliards $   
  • Cenovus Energy : 10,4 milliards $    
  • Imperial Oil : 8 milliards $   
  • Tourmaline Oil Corp : 3,7 milliards $   
  • ARC Resources : 3,1 milliards $      

L’autre façon particulièrement simple de profiter de la forte hausse boursière des entreprises pétrolières consistait à investir dans l’un des fonds axés sur les titres du secteur de l’Énergie, comme le fonds indiciel XEG (iShares S&P/TSX Capped Energy).  

Se négociant à la cote de la Bourse de Toronto, ce fonds XEG a grimpé de quelque 30 % lors des deux derniers mois. Son portefeuille renferme notamment les six précédentes sociétés pétrolières.  

  • Écoutez Michel Girard sur QUB radio:

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DE LA RAFFINERIE À LA POMPE  

Au Québec, l’essence provient de nos deux grands raffineurs de pétrole brut, soit la Raffinerie de Suncor Énergie (le propriétaire de Petro-Canada) dans l’Est de Montréal et la Raffinerie Jean-Gaulin de Lévis, une entreprise de la société Valero. 

Et au niveau de la distribution au détail, selon le dernier relevé (2019) de la Régie de l’Énergie, les cinq plus gros grossistes et bannières exploités sont :    

  • Couche-Tard (Couche-Tard, Esso, Irving, Petro-Canada, Shell, Ultramar)   
  • Sobeys (Shell)   
  • Suncor (Petro-Canada)   
  • Les Pétroles Parkland (Esso, Petro-Canada, Shell, Ultramar)   
  • Harnois Énergies (Esso, Harnois, Petro-T, Turmel)      

À la lumière des relevés portant sur les « composantes estimées des prix à la pompe » que la Régie de l’Énergie publie quotidiennement, nous avons constaté cette semaine que la « marge de détail » avait subitement grimpé nettement au-dessus de sa moyenne annuelle dans la grande région de Montréal.  

Et concernant le « coût minimal d’acquisition », lequel correspond au prix à la rampe de chargement, c’est-à-dire au prix de gros le plus bas auprès des raffineurs et grossistes vendant à la rampe de chargement à Montréal, nous avons noté de solides variations. 

Ce prix renferme les deux grandes composantes du prix de l’essence, soit le prix du pétrole brut et la marge de raffinage. Autre composante incluse dans le « coût minimal d’acquisition » : les droits d’émissions de gaz à effet de serre (SPEDE) à verser au gouvernement du Québec, lesquels s’élèvent à 8,8 cents le litre.  

SUR LE PLATEAU-MONT-ROYAL  

À Montréal, sur le Plateau-Mont-Royal, le prix à la pompe a atteint jeudi les 201,9 cents. 

Les taxes accaparaient 67,3 cents (incluant le SPEDE) ; la marge de détail grugeait 11,1 cents ; et le coût minimal d’acquisition pour le pétrole et le raffinage s’élevait à 123,2 cents.  

À comparer au prix moyen de 146,2 cents affiché à la pompe lors des 52 dernières semaines, les taxes ont grimpé de 8,6 cents le litre (+ 14,6 %) ; la marge de détail de 4 cents (+ 58,6 %) ; et le coût minimal d’acquisition (pétrole + marge de raffinage) de 43,2 cents (+54 %). 

Comme on peut voir, les producteurs, les raffineurs, les grossistes et les grands détaillants des stations-service passent à la caisse.  

Fait à noter : les marges de détail ont atteint cette semaine les 16,6 cents dans la région de Montréal, soit 2,6 fois la moyenne des 12 derniers mois. Ce sont les grands distributeurs qui ont accaparé la forte augmentation de la marge de détail, et non les petits propriétaires de dépanneurs.  

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