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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

La psychologie des contes de fées

Heyauli - stock.adobe.com
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Photo portrait de Dre Christine Grou

Dre Christine Grou

2024-12-14T22:15:00Z
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D’Aladdin et la lampe merveilleuse à Cendrillon en passant par Blanche-Neige, les contes et les histoires fantaisistes auxquels nous sommes exposés durant l’enfance peuvent nous transformer, et ce, de façon significative et durable.

En effet, derrière ces récits avec des créatures magiques, ou encore avec une princesse sortant d’un long sommeil par le fruit d’un baiser se cachent plusieurs valeurs, leçons de vie ou angoisses profondes que l’on peut aborder à travers le vécu de ces personnages, permettant ainsi aux enfants d’acquérir, pas à pas, une maturité.

Il est bien démontré que la lecture à l’heure du coucher contribue grandement au développement des enfants, et ce, sur plusieurs plans: enrichissement du vocabulaire, développement d’un registre émotionnel, stimulation de la curiosité et de l’imagination, renforcement du lien avec le parent-lecteur, sans compter tous les moments privilégiés que permet la lecture entre le parent et son enfant.

Si ces bienfaits sont indéniables, d’autres sont tout aussi importants, et pour certains parents, insoupçonnés.

Depuis des siècles, les aventures de Boucles d’or, de Cendrillon et de Blanche-Neige procurent aux enfants de bonnes doses de sagesse, apaisent quelques craintes et transforment le regard sur la vie, mais aussi sur la mort.

C’est d’ailleurs ce que le psychanalyste Bruno Bettelheim avait illustré dans son livre à succès publié en 1976 intitulé Psychanalyse des contes de fées.

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Des récits fantaisistes... avec des enjeux bien réels

Chaque conte renferme non seulement des personnages excentriques et des intrigues rocambolesques, mais encapsule aussi des craintes universelles qu’éprouvent les enfants.

Le conte parvient à frapper l’imaginaire en nourrissant l’univers psychologique des enfants, une assise fondamentale à leur épanouissement.

Si les angoisses de l’abandon (Hansel et Gretel), de la perte (Cendrillon), de la jalousie (Blanche-Neige) ou de la mort sont présentes dans plusieurs récits, ces peurs persistent à l’âge adulte, et celles-ci sont d’autant plus marquées lors des premiers temps de la vie.

Durant cette période, les enfants n’ont souvent ni la maturité requise, ni encore le vocabulaire pour mettre des mots sur leurs émotions et leurs angoisses qui sont encore trop fortes pour parvenir à s’en approcher. Les contes leur permettent d’apprivoiser indirectement la bête et de parler des personnages auxquels ils pourraient s’identifier.

Ainsi, lorsque Blanche-Neige dort d’un sommeil profond, il fait grand bien de voir les sept nains en prendre soin, tout comme le Prince qui parvient à la ramener à la vie par toute l’admiration et l’affection qu’il lui porte.

D’autres personnages craignent d’être littéralement dévorés, soit par un loup pour le Petit Chaperon rouge qui n’a pas tenu compte des avertissements de sa mère et pris le mauvais chemin, soit par une méchante sorcière pour Hansel et Gretel qui avaient été abandonnés... N’est-ce pas là l’une des pires angoisses? Quelle heureuse résolution pour ces deux jeunes protagonistes de combattre le mal ensemble et de retrouver leur père aimant. Et quelle leçon aussi pour les enfants de ne pas faire confiance à une personne qui leur est étrangère, gentille en apparence et entourée d’une maison de friandises...

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De plus, quel enfant n’a pas senti qu’il n’avait pas sa place dans sa famille? Voilà tout le drame de Boucles d’or, débarquant dans une famille d’ours et qui n’est pas la bienvenue, ou alors de Cendrillon, humiliée et maltraitée par sa belle-mère et ses demi-sœurs après la mort de son père. Or, le portrait que dressent ces deux histoires n’est pas complètement sombre: si le rejet semble dominer dans ces récits, particulièrement dans celui de Cendrillon, ils illustrent qu’il suffit parfois d’une seule figure bienveillante (la fée marraine) pour traverser des moments difficiles.

Grandir dans un milieu hostile ne détermine pas forcément le reste de sa vie: à preuve, Cendrillon, investie du souvenir d’un père aimant et d’une bonne fée, s’en échappe !

Jamais démodés

Certains pourraient croire que le fait de lire des contes à des enfants suscite chez eux des angoisses. Or, avant même d’avoir entendu ou lu un seul conte, ils avaient déjà ces peurs!

C’est grâce à la découverte de ces récits où il est question de mort, d’abandon, de relations familiales tendues et d’adversité qu’ils pourront mieux reconnaître, nommer et parler de leurs émotions. Puisque leur cerveau n’est pas complètement développé, leurs difficultés personnelles apparaissent beaucoup plus grandes qu’elles ne le sont en réalité.

En outre, chaque histoire comporte son lot de tensions et d’imprévus qui feront émerger, peu à peu, l’espoir et la résolution. Le conte devient alors un mode d’emploi ludique pour comprendre et se représenter le monde complexe et nuancé qui les entoure.

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Toutes ces raisons expliquent sans doute pourquoi de nombreux personnages d’autrefois ont traversé les époques pour se rendre jusqu’à nous, fruit de l’imagination d’auteurs issus de pays et de cultures parfois très éloignés des nôtres.

Sans compter que ces contes ont traversé les décennies et parfois même les siècles, et ce, sans avoir pris une ride. Si certains décors ou rituels peuvent nous sembler anachroniques ou invraisemblables, comme la lampe magique d’Aladdin, les valeurs fondamentales qu’ils véhiculent résistent au temps qui passe.

Peu importe le lieu ou l’époque, chacun d’entre nous aura toujours besoin de courage, d’ingéniosité, de tolérance et de solidarité pour traverser la forêt de la vie – lieu qui ne manque jamais d’épreuves et de dangers...

En somme, on ne compte plus les bienfaits pour les enfants de découvrir l’univers riche et diversifié des contes : apaiser ses angoisses à travers le vécu de personnages imaginaires, s’offrir un moment privilégié pour les verbaliser, inculquer de bonnes valeurs à notre progéniture dont l’empathie, tout en enrichissant son vocabulaire et son imaginaire.

Ne soyez donc pas surpris si vos enfants vous réclament la lecture de contes soir après soir... Et, à l’instar des mille et une nuits, s’ils vous demandent cette lecture mille et une fois!

Cette chronique prendra une pause pendant quelques semaines. Au plaisir de vous retrouver en 2025, et d’ici là, je vous souhaite des Fêtes lumineuses et empreintes de réconfort.

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