La promesse de revenir sur Terre


Marie-France Bornais
Après avoir publié trois romans à succès mettant en scène Fabienne, une femme autiste, Mélissa Perron change complètement de registre dans son nouveau roman, Le retour de l’oie blanche. Elle raconte le parcours original de Will, un enfant du viol élevé dans un quartier défavorisé et abattu dans une ruelle à l’âge de 32 ans. Quand il se réveille dans une antichambre de l’au-delà, on lui confie certains mandats... avec la promesse que ce sera peut-être sa chance de revenir sur Terre.
En entrevue, Mélissa Perron explique qu’elle est fascinée depuis longtemps par la mort.
« Mon père est mort quand j’avais 11 ans. Il avait 41 ans. Je suis quelqu’un de très terre à terre donc je ne voulais vraiment pas aller dans les archanges. On n’est vraiment pas là-dedans : on est comme dans l’antichambre. Ça ne me tentait pas non plus d’imaginer ce que c’était ailleurs, au-delà de ça.
« Ça me tentait de décrire quelqu’un qui est en mort imminente, qui sait qu’il va revenir, mais qui se rend compte que, oups, c’est pas facile. Tu as des étapes à franchir si tu veux revenir », ajoute-t-elle.
Son personnage bien-aimé de Fabienne ne revient donc pas dans ce roman.
« Les gens ont capoté et m’en parlent chaque jour, mais c’est un peu comme peindre mes toiles et peindre ma porcelaine : c’est complètement autre chose. Et je sentais qu’il fallait que je montre ce que j’étais capable de faire.
« Si j’avais continué avec Fabienne, je sais que j’aurais eu tout le lectorat, mais... non. Ça me tentait de prendre cette liberté qu’on doit avoir, en tant qu’artiste, et d’aller complètement ailleurs. »
Mélissa Perron va travailler sur la série adaptée de ses romans.
« Pour moi, Fabienne, c’est pas terminé. Ça commence, dans le scénario et tout. Mon éditeur m’a dit que j’aurais pu surfer là-dessus, mais moi, j’écris parce que j’aime ça. Il faut que ce soit le fun. Et j’ai eu beaucoup de plaisir à l’écrire, justement parce que je me sentais libre. »

Famille dysfonctionnelle
Mélissa dit que Will lui ressemble un peu... et s’attend à ce que les gens soient un peu surpris.
« Même si Fabienne, les gens pensent vraiment que c’est moi, on n’a pas du tout le même bagage. Elle n’a pas connu les problèmes d’argent. Will, c’est vraiment une famille dysfonctionnelle et moi, je connais ça. Je viens de là. Il fallait que je touche à ça et que je plonge dedans. »
L’écrivaine voulait mettre en scène un personnage qui voulait sortir de ce schéma.
« Will veut s’en sortir. Cette résilience-là, c’est beau. Il fallait que j’en parle. Il y a des gens qui ne croient pas à ça, que tu peux être fort même si tu as vécu plein de choses. Ce personnage me touche énormément. »
Maternité difficile
Mélissa voulait aussi parler de maternité.
« C’est facile de faire des enfants. On sait comment. Ce n’est pas facile d’être une maman. Je ne voulais pas être dans le jugement. Dans cette famille, la mère est droguée. Ça se peut, une maman qui n’aime pas son enfant. C’est terrible. Mais j’en connais. Will a des questionnements : est-ce qu’il peut être un bon père ? Est-ce qu’il va reproduire ce qu’il a vécu ? Est-ce qu’il peut inventer de l’amour sain ? »
Pendant sa période d’écriture, Mélissa Perron a eu des doutes puis s’est ravisée.
« Je me suis dit qu’il faut que j’écrive pour moi en premier. Si j’emprunte un sujet, parce que ça va “pogner”, les gens vont le sentir. C’est le roman, parmi les quatre, qui m’a le plus portée. Je suis allée chercher des choses très profondément en moi. »
- Mélissa Perron vit à Saint-Bruno.
- Elle a reçu un diagnostic d’autisme à l’âge de 38 ans.
- Elle a publié les romans à succès Promets-moi un printemps, Belle comme le fleuve et Au gré des Perséides.
- Mélissa Perron est impliquée dans l’adaptation en série de ses romans.
EXTRAIT
« À partir de ce moment, on m’a appelé Ti-Lait Forest. J’aurais pu le prendre personnel, cependant je savais que ça ne faisait pas référence à mon visage, mais à ma rapidité à riposter. Parfois c’est bon d’avoir une réputation. Et même si elle était exagérée et que je n’avais pas autant cassé de gueules qu’on le disait, elle m’avait permis de porter mes vêtements trop amples en paix. »