La présidente de la FTQ, Magali Picard, reconnaît qu’il y avait un «régime de terreur»
En entrevue, elle se dit «bouleversée et choquée» par les agressions commises par l’ex-président de la FTQ-C Rénald Grondin
Sarah-Maude Lefebvre et Jean-Louis Fortin
La présidente de la FTQ, Magali Picard, n’a pris la pleine mesure de la crainte qu’inspirait Rénald Grondin que l’an dernier, après avoir rencontré deux fois la femme qu’il a agressée. Si l’homme a fait d’autres victimes au sein du syndicat, elles doivent sortir de l’ombre, croit-elle.
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«Je suis devenue consciente à ce moment-là qu’il y avait eu un régime de terreur. Avant ça, je n’en avais aucune idée», nous a indiqué Magali Picard, lorsque nous l’avons jointe pour commenter l’enregistrement obtenu par notre Bureau d’enquête.
«Elle m’a partagé son histoire qui m’a, en tant que femme, complètement ébranlée [...]. J’étais bouleversée et choquée», dit Mme Picard.
Climat de peur
Tout comme la victime, Magali Picard croit que des employés de la FTQ-Construction (FTQ-C) n’auraient peut-être pas tout dit à l’enquêtrice Anaïs Lacroix, de la firme Latitude Management. Celle-ci avait été mandatée en 2022 pour comprendre comment Rénald Grondin avait pu accéder à la présidence du syndicat sans être inquiété par les agressions qu’il avait commises des années auparavant.
«Une fois qu’on sort de ce régime de terreur là, j’imagine qu’on fait tout pour ne pas y retourner. Si moi, comme employée, on me rencontre pour me ramener à cette période-là, ça se peut que j’aille peur. Si j’ai été témoin de situations inacceptables, si j’ai vu une collègue souffrir et vivre du harcèlement, ça se peut que je cherche à éviter ça à tout prix», illustre Mme Picard.

Après avoir rencontré une vingtaine de témoins, Me Lacroix avait dit dans son rapport, rendu public à l'hiver 2023, qu’on ne pouvait conclure de façon «prépondérante» que les exécutifs de l’Association des Manœuvres Inter-Provinciaux (AMI) et de la FTQ-C avaient connaissance des agressions de Grondin lorsque ce dernier est devenu président en 2018. Mais il était «probable» que certaines personnes avaient acquis une «connaissance plus ou moins approfondie» de l’affaire, selon elle.
Nous avons joint Me Lacroix pour lui demander si elle avait eu accès à l’ensemble des informations nécessaires pour réaliser son mandat.
«Dans le cadre d’une enquête, nous sommes limités par notre mandat, le rôle d’un enquêteur en milieu de travail et le fardeau de preuve applicable. Nous n’avons pas, par exemple, les pouvoirs d’un juge ou d’une commission d’enquête d’assigner des témoins à comparaître, de recueillir des preuves sous serment et d’exiger des documents», a-t-elle commenté par écrit.
Le rapport de Me Lacroix faisait aussi état du fait que «plus d’un témoin a rapporté avoir subi des avances non désirées de la part» de M. Grondin à la même époque.
«Ces abuseurs profitent de leur réputation»
Magali Picard appelle d’autres victimes potentielles à sortir de l’ombre si elles le souhaitent.

«J’encourage les personnes qui vivent du harcèlement à dénoncer. [...] Ces abuseurs profitent de leur réputation et de leur pouvoir pour museler [les victimes], et ce sont des répercussions à vie. Dans le cas de la plaignante dont on parle, cette personne a été reconnue avec une inaptitude au travail à vie», dit à ce sujet la grande patronne de la centrale syndicale. «La période #MeToo m’a rassurée. Enfin, des femmes prenaient la parole. Mais il ne faut pas revenir dans ces années-là, où des gens ont fait carrière en abusant et en intimidant des gens [...]. Pour moi, c’est inacceptable. On est rendu ailleurs. Il faut faire confiance en nos instances et dénoncer», dit aussi Magali Picard.

Cette dernière assure que les règles de nomination et d’éthique ont été renforcées depuis les événements à la FTQ-C, qui fonctionne par ailleurs de façon indépendante, comme les autres affiliés de la FTQ. «Les normes sont maintenant les plus sévères au pays», dit-elle.