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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

La planète a chaud: même les raisins attrapent des coups de soleil

Les vignerons de Bordeaux devront changer leur méthode de travail pour continuer à faire de grands vins

Isabelle Bouyx, viticultrice et propriétaire du domaine du Château d’Arricaud, situé à Landiras, dans son vignoble.
Isabelle Bouyx, viticultrice et propriétaire du domaine du Château d’Arricaud, situé à Landiras, dans son vignoble. Photo Clara Loiseau
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Photo portrait de Clara Loiseau

Clara Loiseau

2022-07-23T04:00:00Z
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LANDIRAS, France | Certains très célèbres cépages du sud-ouest de la France pourraient bien être menacés par les dérèglements climatiques, alors que la vague de chaleur des derniers jours a donné des coups de soleil à bien des raisins.

• À lire aussi: Vague de chaleur en Europe: des évacués craignent que ce ne soit qu’un début

«Nous avons une période de grande sécheresse depuis des mois, nous n’avons pas d’eau et on se demande comment la vigne résiste. Les jeunes vignes souffrent énormément et on le voit parce que les hauteurs de végétations ne sont pas normales», explique Isabelle Bouyx, propriétaire du domaine viticole du Château d’Arricaud, situé au sud de Bordeaux, à Landiras.

On voit, en rouge, des raisins meurtris par le soleil et la chaleur.
On voit, en rouge, des raisins meurtris par le soleil et la chaleur. Photo Clara Loiseau

Dans ses allées de vignes, plantées en 2017, la vigneronne constate avec tristesse que la chaleur a malmené ses plantations.

«Avec le soleil et la chaleur, ces raisins ont pris un coup de soleil», laisse-t-elle tomber en saisissant une jeune grappe. 

Vent qui tourne

Pour Joël Ortiz, conseiller viticole pour les Antennes-Associations de Développement Agricole et Rural (ADAR) en Gironde, il est clair que les effets du réchauffement climatique ont un impact direct sur les plantations.

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«Il va y avoir des pertes lors de la récolte, c’est sûr, mais ça ne devrait pas être trop important pour le moment», explique-t-il.

Outre les périodes caniculaires vécues dans les derniers jours et où le mercure a dépassé les 40 degrés Celsius par moments, ce sont aussi les hivers plus doux qui changent complètement le cycle de vie de la vigne. 

«Les plantes sortent plus tôt de leur état végétatif et quand en avril on a des épisodes de gel, ça abîme fortement les pousses. [...] Les vendanges commencent de plus en plus tôt. En ce moment on est à 15 jours, voire trois semaines plus tôt dans l’année qu’il y a une quinzaine d’années», constate aussi M. Ortiz.

Perdre son identité

Pour ce dernier, il est clair que des changements doivent s’opérer dans la façon de travailler.

«On réfléchit à de nouvelles solutions, comme enherber les vignes pour retarder le réchauffement du sol à la sortie de l’hiver, ou encore moins tailler les vignes pour que les feuilles protègent mieux les plantes en cas de grosse chaleur», explique-t-il.

Éventuellement, il faudra aussi penser à adapter les végétaux, notamment en installant par exemple de nouveaux cépages qui se trouvent dans le sud-est du pays et qui sont habitués à ces chaleurs, pense-t-il.

Pour Loïc Pasquet, vigneron et propriétaire du domaine Liber Pater, dont certaines cuvées se vendent 30 000 euros la bouteille, les solutions évoquées par M. Ortiz sont loin d’être suffisantes.

«Il va falloir réapprendre à être vigneron, en regardant ce qu’il se faisait avant et en utilisant les connaissances d’aujourd’hui. Et il faut qu’on nous autorise à réintroduire les vieux cépages de Bordeaux et surtout qu’on nourrisse mieux», soutient-il. «On se doit d’essayer toutes les méthodes avant de penser à utiliser d’autres cépages, car sinon, on risque de perdre notre identité bordelaise», prévient M. Pasquet. 

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Les cicatrices de l’incendie bien visibles 

Après près de douze jours de bataille contre les incendies qui font rage dans le sud-ouest de la France, il était encore possible de voir de la fumée s’échapper à quelques endroits, a pu constater Le Journal.

Encore hier, certains villages français de ce coin de l’Hexagone étaient interdits. Près de 30 000 personnes ne pouvaient toujours pas rentrer chez elles. 

Les forces de l’ordre bloquaient encore les accès principaux.

Toute la journée, deux avions-citernes faisaient des aller-retour au-dessus de la forêt des Landes pour continuer de déverser de l’eau sur les points encore chauds qui restent dans la forêt.

Il a toutefois été possible d’aller voir les dégâts qu’ont laissés les flammes à Landiras, en empruntant un petit chemin de terre bien connu des habitants locaux.

Forêt abandonnée

La végétation a cédé sa place aux cendres dans ce boisé de Landiras.
La végétation a cédé sa place aux cendres dans ce boisé de Landiras. Photo Clara Loiseau

Sur des kilomètres, les troncs noircis par la suie se succèdent. Au sol, la végétation laisse place à de la cendre.

«Le problème, c’est que personne ne s’occupe ni entretient ces forêts, alors il ne faut pas s’étonner que quand le feu prend, ça s’embrase», laisse tomber, avec agacement, Loïc Pasquet, vigneron et propriétaire du domaine Liber Pater, à Landiras, en Gironde.

En y mettant la main, on pouvait encore sentir la chaleur qui se dégageait de la terre.

Dans l’air, l’odeur de pins brûlés était encore omniprésente à certains endroits autour du village.

«J’ai vu le feu prendre le 12 juillet, c’était à quelques centaines de mètres de mes vignes. Les flammes montaient jusqu’à la cime des arbres», explique M. Pasquet.

Avant de se faire évacuer, M. Pasquet a veillé à faire des pare-feu pour sauver ses vignes de l’embrasement. Il n’y a eu aucune perte du côté des vignobles. 

Crise climatique et humanitaire en Europe

Suivez notre journaliste Clara Loiseau, de passage en Europe, au cours des prochains jours, afin de témoigner des effets de la vague de chaleur sans précédent qui s’abat sur le vieux continent, conséquence directe du réchauffement de la planète. Les records de température ont provoqué une crise climatique et humanitaire, notamment des incendies qui ravagent des régions, des citoyens chassés de chez eux, des travailleurs qui meurent de chaleur au travail et des économies locales frappées de plein fouet.

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