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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

La place de Lucien Bouchard dans l’histoire du Québec

Photo d'archives, Pascal Huot
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2023-03-22T19:30:00Z
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Lucien Bouchard est un homme hanté par l’Histoire, et est assurément sensible à la trace qu’il laissera dans l’histoire du Québec. Quel souvenir conserverons-nous de lui?

Restera-t-il dans la mémoire sous les traits de l’homme du «déficit zéro» comme le voudraient ses détracteurs, et comme il le craint peut-être lui-même? Je ne crois pas. Non pas que cet épisode soit déshonorant. Mais il relève, quoi qu’on en dise, de la simple histoire de la gestion de l’État. 

L’essentiel est ailleurs. L’essentiel touche à la question nationale. L’essentiel touche à l’existence de notre peuple.

1995

En fait, nous le savons, Lucien Bouchard restera dans la mémoire québécoise à la manière du grand tribun de la première moitié des années 1990, qui a rompu avec le gouvernement conservateur de Brian Mulroney autour de l’Accord du lac Meech, et qui a alors incarné l’honneur du Québec, bafoué par un Canada anglais ne lui accordant même pas le titre de société distincte. Il représentera à partir de ce moment les Québécois tournant pour de bon le dos à un Canada ne les comprenant pas et faisant le choix de l’indépendance.

Il jouera, nous le savons, un rôle décisif lors du référendum de 1995, au cœur du camp du Oui. Il en était la figure absolument charismatique, capable de galvaniser les foules. Il savait toucher la corde sensible des Québécois, il savait rejoindre leur imaginaire, leur inconscient collectif, en leur rappelant le sens de leur histoire, qui était appelée à s’accomplir dans l’indépendance. Il inscrivait le choix de l’indépendance dans l’histoire longue du Québec. 

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On réécoute difficilement ses discours sans avoir les larmes aux yeux. Le peuple québécois y était presque. Notre peuple y était presque. Il était au seuil du pays. 

Lucien Bouchard a été traumatisé par la défaite référendaire et s’est juré qu’il ne conduirait pas le Québec vers un troisième Non. Cela se comprend. Cela l’a probablement empêché, toutefois, de profiter de la conjoncture postréférendaire, qui ouvrait paradoxalement une fenêtre favorable au camp du Oui, comme l’a souvent rappelé Jean-François Lisée. 

Et avec les années, il s’est éloigné du souverainisme militant, tout en rappelant régulièrement qu’il demeurait un partisan de l’indépendance, même s’il n’aimait pas se laisser entraîner sur ce terrain, d’autant qu’il ne sentait pas, et dit ne toujours pas sentir d’appétit pour la chose à court terme chez les Québécois. 

Cela ne l’a pas empêché, il y a quelques jours, de rappeler l’impérieuse nécessité de l’indépendance, en ajoutant, clairement à destination de la CAQ, qu’elle serait bonne pour l’économie. Ce rappel est loin d’être insignifiant. 

Indépendance et survivance

Il rappelle le sens profond de la trajectoire de Lucien Bouchard, et confirme, je crois, sa connexion intime avec le peuple québécois, dont il ressent intimement les pulsions existentielles. 

Il n’est pas interdit de croire que cela témoigne de l’actuelle renaissance de l’idée d’indépendance, qu’on peut sentir chez les Québécois francophones, qui la conjuguent désormais de plus en plus avec l’idée de survivance. C’est la question identitaire, en tant que manifestation de la pulsion de vie de notre peuple, qui nous conduit aujourd’hui à l’indépendance.

Il n’est pas interdit de croire que François Legault, d’une manière ou d’une autre, n’y sera pas complètement indifférent. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en pense.

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