Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

La pire inflation en 40 ans va laisser des traces

La croissance du coût de la vie a été de 6,8 % au pays l’année dernière et les nouveaux prix sont là pour de bon

Partager
Photo portrait de Julien McEvoy

Julien McEvoy

2023-01-17T20:34:33Z
Partager

Les chiffres officiels confirment ce dont on se doutait déjà: l’inflation pour l’ensemble de 2022 est la plus élevée en 40 ans. La bonne nouvelle, c’est que le pire est derrière nous en matière de hausse de prix.

• À lire aussi: Léger recul de l’inflation au Canada

• À lire aussi: La moitié des Canadiens pessimistes par rapport à leur salaire

L’inflation a finalement atteint 6,8% au Canada en 2022 et 6,7% au Québec, révélait mardi Statistique Canada. Il faut remonter en 1982 pour trouver pire, à 10,9%. 

Les grands responsables de l’inflation, en 2022, ont été les prix de l’énergie, en hausse de 22,5%. Même quand on les enlève du calcul, on obtient un taux de 5,7% pour l’année. 

La Banque du Canada vise à maintenir l'inflation dans une fourchette cible de 1 à 3%. Au cours des 12 derniers mois, une seule des huit composantes de l’Indice des prix à la consommation (IPC) n’a pas dépassé les 3%, soit les vêtements et chaussures (1,4%). 

Le coût du transport a par exemple bondi de 10,6%, celui des aliments, de 8,9%, et celui du logement, de 6,9%. 

À l’épicerie comme chez le concessionnaire, ces hausses s’accompagnent de nouveaux prix qui sont dorénavant la norme. 

Publicité

«Personne ne prévoit une inflation négative dans les prochains mois ou les prochaines années. Les prix qu’on observe en ce moment, c’est la nouvelle référence», fait valoir l’économiste principal de Desjardins Benoit Durocher. 

  •  Écoutez l'entrevue avec le Cédric Dussault à l’émission de Philippe-Vincent Foisy diffusée chaque jour en direct via QUB radio :  

Finir l’année à 2%

Personne ne s’attend non plus à ce que l’inflation fracasse des records en 2023. Car à 6,8 % pour 2022, c’est déjà «super élevé», observe David Dupuis, chargé de cours au Département d’économie de l’Université de Sherbrooke et ex-économiste de la Banque du Canada. 

Cette année, les points de référence pour mesurer l’augmentation du coût de la vie seront les augmentations records de 2022. 

«Avec le passage du temps, on va se comparer à des prix plus élevés, ce qui va faire baisser le taux d’inflation», explique Benoit Durocher. 

Ainsi, si on commence 2023 avec une inflation «dans le coin de 6%», dit-il, on devrait finir l’année «dans le coin de 2%». 

Le mordant de la hausse de taux

Dans les mois qui viennent, ajoute David Dupuis, de l’Université de Sherbrooke, le plein effet des hausses de taux d’intérêt se fera aussi sentir. 

Publicité

«On le voit déjà avec un recul dans l’immobilier», dit-il. 

La première hausse de taux de la Banque du Canada a eu lieu en mars dernier, et «on dit souvent que ça prend de 18 à 24 mois pour en ressentir tous les effets». 

Ce qui nous mène donc à l’automne 2023 pour constater «le vrai mordant» des hausses du taux directeur, qui est passé de 0,25% à 4,25% en 2022. 

«L’impact va être majeur. Il y a une façon de voir là où la Banque en a déjà trop fait», dit l’économiste. 

Bref, le remède est administré et il reste à voir s’il réussira à guérir le mal que représente une inflation élevée. 

«On garde le doigt sur le pouls du patient, qui ne va pas si mal l’ensemble», illustre David Dupuis au sujet de l’économie canadienne.

5 secteurs où 2022 a été extrêmement pénible

Les hausses de prix ont été généralisées en 2022. Voici 5 secteurs où elles ont été particulièrement salées. 

Essence + 28,5 % *

Au printemps dernier, le prix moyen de l’essence a grimpé bien au-delà de la barre des 2 dollars, au Québec. Le sommet a été de 2,26 $. Les prix ont, depuis, reculé, mais les marges des détaillants demeurent anormalement élevées, souligne CAA-Québec.
Au printemps dernier, le prix moyen de l’essence a grimpé bien au-delà de la barre des 2 dollars, au Québec. Le sommet a été de 2,26 $. Les prix ont, depuis, reculé, mais les marges des détaillants demeurent anormalement élevées, souligne CAA-Québec. Photo d’archives, Pierre-Paul Poulin

Pour l’année 2022, la hausse du prix de l’essence s’est établie à 28,5 %. Le sommet a été atteint en juin, quand le litre d’ordinaire se vendait 2,26 $ au Québec. 

« Les stations-service ont même dû augmenter la limite automatisée de 100 $ à la pompe, car plus personne ne pouvait remplir sa voiture avec ça », se souvient Nicolas Ryan, de CAA-Québec. Les Québécois peuvent se consoler, dit-il, en se disant que l’année a pris fin avec les prix les plus bas en 12 mois. Reste que les marges des détaillants sont toujours anormalement élevées, rappelle CAA-Québec. « On ne peut qu’espérer que nous ne verrons plus de marge à 25 cents le litre », dit M. Ryan. 

Publicité

Biens durables + 6,2 % *

Les prix des biens durables ont connu une hausse de 6,2 % en 2022 par rapport à l’année précédente. Les prix des meubles et des appareils ménagers ont grimpé respectivement de 11,6 % et 9 %. 

Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement expliquent ces poussées inflationnistes, affirme Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). Pour son secteur d’activité, « 50 % des matériaux viennent des pays asiatiques, indique M. Darveau. En Chine, en raison des difficultés à maîtriser la COVID-19, les usines fonctionnent au ralenti. »

Pour l’autre partie des approvisionnements, c’est le déclin démographique en Amérique du Nord qui crée des goulots d’étranglement. « On n’a pas encore beaucoup investi en automatisation », ajoute le président. 

Pour autant, des améliorations sont en cours. On observe un ralentissement de l’inflation sur la fin de l’année 2022. Et du côté des matériaux de construction, les prix seraient revenus à un niveau « raisonnable ». 

Logement + 6,9 % *

L’inflation des coûts de logement s’est nettement accélérée en 2022 : 6,9 % d’augmentation contre 3,9 % l’année précédente.

En cause, la hausse continue des prix des logis neufs, des matériaux et de l’entretien. Après avoir atteint un pic à la fin de l’année 2021, et malgré un ralentissement en 2022, l’inflation sur ces éléments avoisine les 10 %.

S’y ajoutent deux réalités qui accélèrent leur poussée inflationniste. « La composante qui a le plus augmenté en 2022, c’est le coût de l’intérêt hypothécaire », souligne Paul Cardinal, directeur du service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). En chute de 7,7 % en 2021, les coûts hypothécaires ont grimpé de 2,6 % en 2022. L’inflation s’est accélérée en deuxième partie d’année. Décembre 2022 a connu la plus forte hausse du coût hypothécaire depuis novembre 1982, relève l’APCHQ. Conséquence de l’augmentation des coûts pour les propriétaires, les loyers sont aussi en nette hausse : + 4,6 %. En 2021, les locataires avaient subi une majoration de 1,6 %.

Publicité

Alimentation + 9,8 % *

Depuis longtemps, avant l’année dernière, les familles d’ici dépensaient en moyenne 9 % de leur budget pour se nourrir. Ce point de référence a toutefois volé en éclats en 2022, expliquent les experts.
Depuis longtemps, avant l’année dernière, les familles d’ici dépensaient en moyenne 9 % de leur budget pour se nourrir. Ce point de référence a toutefois volé en éclats en 2022, expliquent les experts. Photo d’archives, Louis Deschênes

« C’est l’histoire qui s’est répétée toute l’année », lance Sylvain Charlebois, expert du secteur agroalimentaire. La question qu’on lui pose le plus souvent, dit-il, est de savoir quand les prix vont redescendre. « Je ne pense pas que ça va arriver », dit-il. Car de nouveaux points de référence se sont installés au cours des 12 derniers mois. « L’époque où on dépensait en moyenne 9 % du budget familial sur la nourriture est révolue », ajoute-t-il. Le rapport annuel sur les prix alimentaires 2023 prédit d’ailleurs qu’une famille moyenne de quatre personnes dépensera jusqu’à 16 288 $ en nourriture cette année.

Automobile + 7,2 % *

Les prix ont bondi de 7,2 % en 2022 dans le domaine de l’automobile, une augmentation plus rapide que la moyenne des prix à la consommation.

« Les pièces sont plus rares, plus chères et dans le volet électronique, c’est encore plus marqué » lance Robert Poëti, vice-président affaires publiques et gouvernementales à la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec.

Les véhicules commercialisés sont de plus en plus intelligents et consommateurs de pièces électroniques. Les constructeurs et donc leurs clients se heurtent ainsi à la cherté des composants, en particulier des puces.

La mondialisation, les perturbations à l’échelle mondiale et la guerre en Ukraine ont aussi créé un déséquilibre dans l’offre et la demande, défavorable à l’abordabilité des coûts, affirme M. Poëti.

* Selon Statistique Canada, données pour l’ensemble du pays

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité