La pilule contraceptive modifie la partie du cerveau qui régule les émotions

Genevieve Abran
Le cortex préfrontal ventromédian, qui agit comme un «frein des émotions», est plus mince chez les personnes qui prennent la pilule contraceptive que chez les autres.
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C’est ce que conclut une étude d’une étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM, Alexandra Brouillard.
Le cortex préfrontal ventromédian joue un rôle dans la régulation des émotions, en permettant notamment de réduire les niveaux de peur, explique à 24 heures la chercheuse, qui complète sa thèse sur l’impact des contraceptifs oraux sur l’anatomie du cerveau.
L’étude, dont les résultats ont été publiés mardi dans la revue scientifique Frontiers in Endocrinology, s’est intéressée aux effets sur le cerveau des contraceptifs oraux combinés (COC), un type de pilule contraceptive qui contient deux types d'hormones, un progestatif et de l’œstrogène.
Quatre groupes de personnes ont participé à l’étude: un groupe de femmes qui prennent des COC, des femmes qui en avaient déjà pris dans le passé, des femmes qui n’ont jamais pris aucune contraception hormonale et un groupe d’hommes.
Un effet réversible
Le cortex préfrontal ventromédian des femmes qui prennent une pilule contraceptive avec une plus faible dose d’oestrogène synthétique serait plus mince que celui des femmes dont la pilule a une dose d’oestrogène plus élevée, selon des interprétations préliminaires des résultats de l’étude.
La différence d’épaisseur du cortex préfrontal ventromédian serait due à une carence en oestrogène, qui est reconnue pour avoir des effets bénéfiques sur la santé cérébrale. Le cerveau reprendrait toutefois sa forme initiale une fois la prise de la pilule contraceptive terminée.
«[Cet amincissement] n’a pas été retrouvé chez les anciennes utilisatrices de contraception, ce qui nous laisserait croire que c’est un effet qui est réversible, qui ne perdurerait pas au-delà de l’utilisation de COC», précise Alexandra Brouillard.
D’autres études devront toutefois être effectuées sur la question.
«Quand on prend la pilule, on vient jouer sur la sécrétion de nos hormones au niveau endogène. Quand on cesse la pilule, on revient avec un cycle menstruel comme avant», poursuit l’étudiante au doctorat.
Mais est-ce dire qu’il faut arrêter de prendre la pilule?
«L’objectif de nos travaux n’est pas de contrer la prise de COC, mais il est important d’être conscientisé au fait que la pilule peut avoir un effet sur le cerveau», insiste la chercheuse.
«Il faut peut-être se freiner et éviter les conclusions hâtives à ce stade-ci et encourager d’autres études de recherche à s’intéresser à ce genre de problématique pour essayer d’avoir un portait plus clair, et ultimement voir si oui ou non on doit modifier les recommandations pour les cliniciens», conclut-elle.
L’étude a été effectuée sous la supervision de Marie-France Marin, professeure au Département de psychologie de l’UQAM.