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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

La Petite-Bourgogne, «Harlem du Nord»

L’un des plus vieux quartiers industriels de Montréal a longtemps été le bastion de la communauté noire anglophone

La chanteuse Billie Holliday en spectacle à New York en 1947. Elle est parmi les grandes vedettes du jazz à avoir chanté à Montréal.
La chanteuse Billie Holliday en spectacle à New York en 1947. Elle est parmi les grandes vedettes du jazz à avoir chanté à Montréal. Photo Wikipédia
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2025-08-23T04:00:00Z
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Le Rockhead’s Paradise, premier bar tenu par un Noir au Canada, a attiré des monuments du jazz comme Louis Armstrong, Billie Holiday et Ella Fitzgerald. C’était l’époque où la Petite-Bourgogne était surnommée la «Harlem du Nord».

«Le Rockhead’s Paradise était situé au coin de Saint-Antoine et de la Montagne. Ne le cherchez pas, il a fermé ses portes en 1975. Pendant 50 ans, il a fait connaître des musiciens comme Oscar Peterson et Oliver Jones, qui avaient grandi dans ce quartier», explique l’historiographe Daniel Rolland.

Auteur de deux livres sur les quartiers ouvriers de Montréal (Verdun et Hochelaga-Maisonneuve), M. Rolland souligne que la Petite-Bourgogne a marqué l’histoire de plusieurs manières.

Le Rockhead’s Paradise était un club de jazz de la Petite-Bourgogne, à Montréal. Il a contribué à définir le quartier comme le «Harlem du Nord».
Le Rockhead’s Paradise était un club de jazz de la Petite-Bourgogne, à Montréal. Il a contribué à définir le quartier comme le «Harlem du Nord». Photo BAnQ

«D’abord connu comme le faubourg Saint-Joseph, puis comme la ville de Sainte-Cunégonde, le quartier a accueilli de nombreux Irlandais fuyant la famine en Europe. C’est devenu le point de convergence d’immigrants engagés dans la construction du canal de Lachine et du chemin de fer», reprend-il.

Oscar Peterson en 1950.
Oscar Peterson en 1950. Photo Wikipédia

«Burgundy Lion» en français?

Le pub Burgundy Lion, que l’Office québécois de la langue française voulait franciser il y a quelques semaines (il a reculé depuis), ne puise pourtant pas ses racines dans l’époque irlandaise. Dès 1855, une carte indique «Bourgogne» sur un terrain situé en plein milieu du quartier. Mais, selon le Musée canadien de l’histoire, le nom «Petite-Bourgogne» serait né de fonctionnaires municipaux.

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Il n’en demeure pas moins que les Irlandais étaient bien présents dans l’agglomération urbaine avant que les Noirs les rejoignent.

La Cité de Sainte-Cunégonde, ou Petite-Bourgogne, en 1890.
La Cité de Sainte-Cunégonde, ou Petite-Bourgogne, en 1890. Illustration archives de la Ville de Montréal

Dès la fin du 19e siècle, des travailleurs noirs des États-Unis, des Antilles et de la Nouvelle-Écosse s’y installent. C’est là que sera fondée, en 1902, la toute première association de femmes noires au pays, le Colourded Women’s Club of Montreal.

La fermeture du canal de Lachine, en 1970, fera très mal à la population, puisque quelque 20 000 emplois disparaîtront, souligne M. Rolland.

Des enfants apprennent à tisser avec l’aide d’une éducatrice au «Negro Community Center» de la Petite-Bourgogne, le 10 mars 1949.
Des enfants apprennent à tisser avec l’aide d’une éducatrice au «Negro Community Center» de la Petite-Bourgogne, le 10 mars 1949. Photo Conrad Poirier

Embourgeoisement

Comme bien d’autres quartiers montréalais, la Petite-Bourgogne connaîtra une relance à partir des années 2000, après avoir été marquée par une grande pauvreté. La spéculation fera monter le prix des propriétés au point où des familles installées depuis plusieurs générations n’auront plus les moyens d’y habiter.

Aujourd’hui reconnu par le gouvernement fédéral comme un lieu historique national, le canal de Lachine a été restauré à partir de 1990, attirant des classes aisées. Plusieurs bâtiments datant de l’ère industrielle ont été convertis en condos de luxe.

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