La partisanerie est une drogue dure


Pierre Martin
Les électeurs républicains sont prêts à accepter les pires bassesses et les plus flagrantes manifestations d’hypocrisie de leurs candidats.
Il y a quelque chose de fondamentalement malsain à voir des millions d’électeurs accepter, au nom du tribalisme partisan, le mensonge systématique et une criminalité impénitente de la part de leurs leaders.
Le candidat républicain au poste de sénateur en Géorgie, Herschel Walker, en fournit une démonstration éloquente.
Summum de l’hypocrisie
Herschel Walker, malgré son statut de légende du football, est probablement le pire candidat au Sénat de mémoire d’homme. On pourrait charitablement mettre son ignorance abyssale et l’incohérence pitoyable de ses propos sur le compte de trop nombreuses commotions cérébrales, mais le candidat du « parti des valeurs familiales » traîne aussi un lourd passé de violence conjugale et d’infidélités. Il a abandonné ses quatre enfants et leurs quatre mères. Il admet même avoir déjà pointé une arme au visage de l’une d’entre elles.
Presque tout ce que Walker raconte sur son passé est un tissu de mensonges. Comble d’hypocrisie, ce partisan de la criminalisation de l’avortement vient d’être dénoncé par une de ses anciennes conquêtes qui affirme – preuves à l’appui – qu’il l’a incitée à se faire avorter et lui a remboursé la facture.
Pourtant, dans cet État très religieux, les sondages montrent que Walker pourrait battre le démocrate Raphael Warnock, ancien pasteur de la congrégation de Martin Luther King. La partisanerie est une drogue dure.
L’exemple vient de haut
Walker n’est pas seul à baigner dans l’hypocrisie et le mensonge. En Pennsylvanie et en Ohio, les candidats républicains sont largement perçus comme des imposteurs qui ont gagné les bonnes grâces de Trump et de ses partisans à coups de mensonges et de contorsions idéologiques.
L’exemple vient de haut. Donald Trump lui-même est empêtré dans les accusations de crimes et autres délits. Loin de lui nuire, ces accusations ont consolidé ses appuis au sein de sa base partisane et stimulé sa collecte de fonds (qui servent d’abord à payer ses avocats et à financer son fastueux train de vie).
Un jeu politique dénaturé
Cette tolérance pour l’hypocrisie et le mensonge est caractéristique du Parti républicain, surtout depuis qu’il est devenu un culte à Donald Trump. Ce n’est toutefois pas d’hier que ce parti semble n’avoir d’autre raison d’être que le pouvoir à tout prix.
Depuis les années 1990, les républicains refusent systématiquement de jouer le jeu de l’équilibre des institutions américaines, notamment en diabolisant leurs adversaires et en refusant de reconnaître leur légitimité. Le 8 novembre et en 2024, on pourra constater deux effets de cette évolution.
D’abord, les électeurs républicains sont à ce point enfermés dans le tribalisme partisan qu’ils refusent de reconnaître l’hypocrisie, les mensonges et même la criminalité des représentants de leur parti. Ensuite – j’y reviendrai –, les républicains appuieront à tous les niveaux des candidats qui promettent de détourner les institutions démocratiques en faveur de leur parti.
On me rétorquera que les démocrates sont pareils, mais c’est faux. Qu’il s’agisse du tribalisme partisan ou de la menace contre les institutions démocratiques, il n’y a tout simplement pas de commune mesure entre les deux partis.