La paix et le ministère de la Guerre


Luc Lavoie
«Défense est trop défensif et nous voulons aussi être offensifs», a expliqué récemment Donald Trump, pour justifier son désir de remplacer le nom du ministère de la Défense par celui de la Guerre.
Pratiquement tous les pays du monde ont abandonné le nom «guerre» de leur ministère chargé de chapeauter les forces armées. Graduellement, à partir de la fin de la Première Guerre mondiale et encore plus avec la fin de la Seconde, tous les pays ont fait disparaître cette appellation. Le monde sortait alors d’une guerre catastrophique qui avait fait 70 millions de morts. Le mot «guerre» était devenu nauséabond. Le monde avait assez souffert et ne voulait plus parler que de paix.
Donald Trump n’est peut-être pas au courant des raisons qui ont conduit tous les pays du monde à agir ainsi. Ce ne serait pas la première fois qu’il expose son ignorance au grand jour. «Le président estime que ce ministère devrait porter un nom qui reflète sa puissance sans égale et sa capacité à protéger les intérêts nationaux», a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt. Les États-Unis possédant la plus grande armée du monde, il s’agit selon elle de faire régner «la paix par la force» et de veiller à ce que «le monde respecte à nouveau les États-Unis», reprenant le discours habituel de Donald Trump sur les relations internationales.
Fantasmes de Trump
Depuis son retour au pouvoir en janvier dernier, le président s’est servi des forces armées pour vivre ses fantasmes. Pensons au défilé militaire le jour de son anniversaire. La «parade», comme disent les militaires, avait l’air d’une bouffonnerie digne de la parade de fin d’année des cadets de l’armée à Rimouski, ma ville natale.
Pensons aussi au déploiement de la Garde nationale (force de réserve) dans des villes qui ont en commun d’avoir voté contre lui aux dernières élections: Los Angeles, Washington et bientôt Chicago. Pensons à la frappe contre les installations nucléaires de l’Iran ou, pire encore, à celle contre un bateau transportant de la drogue en provenance de Colombie, qui s’est traduite par la mort des 11 occupants. Les dirigeants militaires étaient d’avis qu’il fallait arraisonner ce bateau, non pas tuer tous ses passagers.
«La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force», disait George Orwell.
L’ignorance au pouvoir
Peut-être que Trump a lu George Orwell, ce géant de la littérature anglaise, mais qu’il n’a pas compris le sens de son propos. Il n’a sûrement pas lu le célèbre discours du président Eisenhower dans lequel il demandait aux Américains de se méfier du «complexe militaro-industriel».
Heureusement, il se pourrait que la Cour suprême n’approuve pas ce décret présidentiel signé hier. En effet, lorsque le ministère de la Guerre est devenu celui de la Défense en 1949, c’est le Congrès qui en avait décidé, pas le président. Trump veut s’approprier tous les pouvoirs et il peut jusqu’à maintenant compter sur la Cour suprême qui semble acquiescer à toutes ses lubies.
Comme l’écrivait Orwell, «à une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire».