La nouvelle guerre de l’information

Loïc Tassé
En temps de guerre, l’information est toujours un terrain de bataille. La guerre en Ukraine montre cependant que les réseaux sociaux révolutionnent la guerre de l’information, même si certains de ses aspects traditionnels demeurent très présents.
Pendant la Guerre froide, il était relativement facile pour les gouvernements de chaque bloc d’isoler les populations des informations du bloc opposé.
Il faut tout de suite spécifier que si la lecture d’informations du bloc de l’Ouest était souvent interdite dans le bloc de l’Est, l’inverse n’arrivait pas. De même, les informations à l’Ouest étaient infiniment plus variées, plus approfondies et plus complètes qu’à l’Est.
De ce point de vue, le gouvernement de Vladimir Poutine reprend les vieilles pratiques de l’Union soviétique. Les Russes ont de moins en moins accès à de l’information qui vient de l’Ouest, alors que la réciproque n’est pas vraie. Par exemple, dans l’Ouest, les chaînes d’information russes demeurent accessibles sur internet, comme les chaînes chinoises, ce qui est tant mieux.
De même, le gouvernement russe intervient directement dans les chaînes d’information, ce qui n’est pas le cas dans les pays démocratiques.
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Propagande plus subtile
La propagande russe prend des tournures plus subtiles qu’autrefois.
Par exemple, la récente dénonciation par Vladimir Poutine de la cancel culture pourrait rallier des gens dans l’Ouest et même lui attirer une certaine sympathie. Sauf que la charge de Poutine contre la culture de l’annulation vise à condamner ceux qui critiquent le stalinisme.
Or, les crimes et les horreurs perpétrés par Staline n’ont aucune commune mesure avec ce que des wokes peuvent reprocher à certaines figures historiques des démocraties. Staline n’est pas l’équivalent russe de John A. Macdonald.
De nos jours, les gens sont beaucoup plus éduqués qu’autrefois. Surtout, ils ont accès à internet. Les réseaux de navigation privés leur permettent de contourner une bonne partie des mesures de censure mises en place par les gouvernements autoritaires. Sans compter que les logiciels de traduction permettent de lire des informations dans de multiples langues. Impossible donc d’isoler les populations comme auparavant.
La disponibilité de l’information n’est certes pas un gage d’intelligence. Après tout, aux États-Unis, environ 45 % de la population s’imagine toujours que Donald Trump a remporté les élections de 2020, malgré tous les jugements contraires sur la question.
Wikipédia de l’opinion publique
Mais à travers internet se forme une sorte de Wikipédia de l’opinion publique mondiale à laquelle aucun gouvernement ne peut longtemps s’opposer. Ce phénomène est nouveau. Il est l’équivalent de la diffusion des journaux grâce à l’imprimerie.
C’est cette nouvelle opinion publique mondiale qui convainc des entreprises de quitter la Russie, qui incite des gouvernements à s’éloigner de Moscou ou qui pousse les pays de l’OTAN à soutenir l’Ukraine de plus en plus fermement.
Cette nouvelle opinion publique mondiale entre en Russie. Elle finira par faire tomber Poutine.