La nouvelle cheffe de l’armée, Jennie Carignan, prend les commandes

Raphaël Pirro
C’est aujourd’hui que la Québécoise d’Asbestos Jennie Carignan a pris les rênes des Forces armées canadiennes (FAC), la première femme dans l’histoire à occuper le sommet de la hiérarchie militaire. Cet exploit dépasse toutefois nos frontières: aucun pays du G7 ou du G20 n’a déjà eu une femme comme dirigeante de l’armée.
La traditionnelle cérémonie de passation de commandement s’est tenue jeudi avant-midi au Musée canadien de la guerre, à Ottawa. Le chef d’état-major sortant, Wayne Eyre, la gouverneure générale Mary Simon, Justin Trudeau, le ministre de la Défense Bill Blair ainsi que la générale Carignan ont prononcé des discours devant le parterre composé de dignitaires, d’élus et de militaires d’ici et d’ailleurs.
Déjà un peu connue des Québécois, la nouvelle cheffe d’état-major s’est prêtée à une première séance de questions dans son nouveau rôle. L’importance historique du moment ne lui a pas échappé: en toute fin d’exercice, envahie par les émotions, la générale a tenté – en vain – de contenir ses larmes.

Questions – Réponses
Voici un extrait des réponses à quelques questions posées par les journalistes à Jennie Carignan. Celles-ci ont été éditées, condensées et reformulées par souci de clarté et de concision.
Q : Qu’est-ce que ça change pour les FAC d’avoir une femme à leur tête?
R : C’est certain que ça peut donner un modèle, ça peut donner un changement en termes de ce qui est maintenant possible pour les femmes et plusieurs communautés qui n’ont peut-être jamais eu cette chance. Ce qu’il faut savoir aussi c’est que je ne suis pas la seule. On a une belle relève qui s’en vient.
Q : Les défis au sein des FAC abondent, notamment en ce qui concerne la rétention et le recrutement de personnel, mais aussi en termes d’équipement. Quel est le problème le plus pressant, selon vous?
R : En ce moment, c’est le recrutement. La priorité est de recruter des personnes de qualité. C’est vrai que le manque d’équipement est un enjeu, mais nous devrons aussi recruter des personnes, les former et leur permettre de mettre en œuvre tous les changements que nous souhaitons apporter au sein de l’institution.
Q : Quelles qualités qui sont les vôtres feront le plus avancer les FAC?
R : Je crois que je suis connue pour ma capacité à gérer l’incertitude et la complexité. En tant qu’ingénieure, je me suis concentrée tôt dans ma carrière sur une approche scientifique pour régler les problèmes. Mais quand on parle d’enjeux stratégiques plus larges, il faut savoir rassembler des personnes avec différentes perspectives pour mieux les comprendre et les régler.
Q : À quoi pensiez-vous lorsque le général Wayne Eyre vous a cédé le drapeau et passé le commandement?
R : Pour moi, c’est un peu la consolidation de mes 38 années au sein des FAC. On n’y croit pas vraiment tant qu’on n’y est pas. Nous avions tellement de personnes de qualité qui pouvaient faire le travail, mais j’étais tellement reconnaissante d’avoir été prise en considération. Mais, enfin, je sens que j’étais prête pour ce rôle.

Une vie dédiée à l’armée
Jennie Carignan est née en 1968 à Asbestos, aujourd’hui Val-des-Sources. C’est en 1990 qu’elle rejoint officiellement les FAC, après avoir obtenu son diplôme en génie au Collège militaire royal. Elle est mère de quatre enfants, dont deux sont membres des FAC.
Elle a notamment dirigé les opérations lors des inondations qui ont frappé le Québec en 2019. Entre novembre 2019 et 2020, elle a commandé la mission de l’OTAN en Irak. Avant sa nomination, elle travaillait à réformer la culture au sein du personnel des FAC, un mandat qui lui a été donné après une série de scandales d’inconduites qui ont ébranlé l’institution et mené à plusieurs départs au sommet.
En entrevue, son collège Luc Girouard, le brigadier général, lui a reconnu «énormément d’expérience opérationnelle et institutionnelle». C’est «une leader qui est bien respectée et bien connue au sein de l’organisation de la Défense, mais ailleurs aussi, au niveau international et ici au gouvernement», a-t-il dit. «On a choisi la bonne personne.»

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