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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

La mort d’un transfuge russe: que de souvenirs !

AFP
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Photo portrait de Normand Lester

Normand Lester

2025-03-23T04:00:00Z
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Le colonel Oleg Gordievsky, un cadre du KGB qui a fait défection en Grande-Bretagne, est décédé à 86 ans. Comme agent double, il a transmis pendant de nombreuses années des renseignements cruciaux aux Anglais qui ont conduit à l'expulsion de 25 agents secrets soviétiques du Royaume-Uni. Moscou n’a jamais abandonné sa traque. 

Selon la BBC, sa mort à son domicile dans le Surrey n'est pas considérée comme suspecte. Je reviens là-dessus plus loin.

J’ai rencontré Gordievsky dans les années 80 en enquêtant sur Anthony Blunt, membre du célèbre réseau d’espionnage russe de Kim Philby, «les cinq de Cambridge». Proche de la famille Windsor, Blunt a été protégé par la Reine même si elle connaissait sa trahison. Blunt aurait pu révéler que les « Royals » l’avaient chargé en 1945 de récupérer à Berlin les documents démontrant les liens du Duc de Windsor, ex-roi Édouard VIII, avec Hitler qui voulait le remettre sur le trône une fois la Grande-Bretagne conquise.

J’ai aussi appris dans cette enquête que Philby, alors qu’il était en poste pour le MI6 à Washington avait proposé au premier ministre Louis Saint-Laurent de créer pour le Canada un service secret «offensif» et s’était offert pour le diriger !

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Apparente crise cardiaque

Dans une autre enquête pour Radio-Canada portant sur Gilles Brunet, un membre des services secrets canadiens soupçonné de travailler pour Moscou, j’avais rencontré à Washington le transfuge russe Oleg Kalouguine, major-général du KGB qui m’avait confirmé la trahison de Brunet. Âgé maintenant de 90 ans, Kalouguine, citoyen américain, vit sous la protection de la CIA.

On m’a depuis allégué que la mort de Brunet n’était pas naturelle. Il est décédé d'une apparente crise cardiaque le 9 avril 1984 alors que, retraité, il gérait un cimetière à Dollard-des-Ormeaux. Le lendemain, le SCRS devait le confronter aux preuves accumulées sur ses activités d’espionnage au profit de Moscou. (Voir mes deux balados à ce sujet sur Qub

Certains soupçonnent que Brunet a été assassiné par les Russes mis au courant de ce qui arrivait par une source qu’ils possédaient toujours au sein des services secrets canadiens.

J’ai dit «apparente crise cardiaque» parce que les services secrets russes perfectionnent depuis les années 1920 des techniques d’assassinats indétectables dans leur laboratoire secret NII-2 de Moscou.

L’affaire du Parapluie bulgare

Le général Kalouguine a écrit que le labo NII-2 a développé le poison utilisé dans la célèbre affaire du « Parapluie bulgare ». À Londres en 1978, avec une arme dissimulée dans son parapluie, un tueur a tiré une minuscule bille de ricine indétectable au mollet du journaliste bulgare Georgi Markov qui travaillait pour la BBC. L’affaire a d’abord été classée comme mort naturelle, mais le coroner anglais a découvert la bille dans le mollet du cadavre.

Véritable crise cardiaque ? Poison indétectable ? On pourra toujours douter des causes de la mort de Gilles Brunet. Comme dit la maxime : l’espionnage est un jeu de miroirs. Où finit le reflet, où commence le réel, nul ne le sait.

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