Le roi Charles III en visite à Ottawa: la monarchie nous coûte de plus en plus cher
71 M$ tirés de la poche des contribuables québécois et canadiens en 2023-2024

Anne Caroline Desplanques
Le roi Charles III arrive aujourd’hui à Ottawa pour visiter ses sujets, dont il creuse de plus en plus le portefeuille. La monarchie a coûté près de 71 M$ aux contribuables québécois et canadiens en 2023-2024, soit près de 10% de plus qu’il y a cinq ans, selon les calculs de notre Bureau d’enquête.
Comme à chaque visite royale, ce sont les Canadiens qui payent, avant même que les monarques ne posent les pieds ici. C’est en effet un appareil de l’Aviation royale canadienne, un Airbus CC-330 Husky, qui est dépêché à Londres pour aller chercher le couple et sa délégation.
Lors de sa précédente visite, en mai 2022, le prince Charles était accompagné d’une cour de 53 personnes. Coût total de ce voyage de trois jours: 2 M$, incluant près de 100 000$ en repas et plus de 1 M$ en frais de sécurité.
Interrogé par notre Bureau d'enquête, Patrimoine Canada n'a pas été en mesure de fournir une estimation du coût de la visite de cette semaine.

Ce devrait toutefois être bien moins puisque le roi restera à peine 24 heures et concentrera son séjour à Ottawa, puisque le motif de sa venue est très précis: à titre de chef d’État, il lira demain le discours du Trône, qui résume les priorités du gouvernement pour la session parlementaire. Ce discours est habituellement prononcé par sa représentante, la gouverneure générale.
En plus des visites royales périodiques, ce sont les dépenses de la vice-reine et des 10 lieutenants-gouverneurs des provinces qui gonflent la note annuelle. En 2023-2024, la gouverneure générale Mary Simon a coûté plus de 59 M$ aux Canadiens, dont 354 400$ dédiés uniquement à son salaire, qui a augmenté de plus de 48 000$ depuis cinq ans.
La facture continue de grimper quand on y ajoute les pensions à vie des anciens gouverneurs généraux, les montants versés à leurs fondations et le remboursement de leurs dépenses liées à leur ancien poste, qui peuvent dépasser les 200 000$ annuels par individu.
Moins de voyages
Mary Simon a mis la pédale douce sur les voyages dans la dernière année, amortissant un peu la hausse des coûts. C’est que sa visite à 1,17 M$ au Moyen-Orient en 2022 a provoqué un tollé.
Selon les factures détaillées de ce voyage, la représentante du roi et sa cour ont dépensé 80 000$ exclusivement pour huit repas servis à bord de l'appareil de l'Aviation royale canadienne, dont près de 1000$ uniquement pour des tranches de limes et de citrons. Au menu, on trouvait notamment du carpaccio de bœuf, du filet de porc farci, du bœuf Wellington ou encore de la mousse au chocolat blanc.
«Dans un contexte où Ottawa accumule les déficits, c’est le genre de privilège qui ne passe plus», gronde Nicolas Gagnon, de la Fédération canadienne des contribuables, dont la pétition réclamant une baisse du salaire de la gouverneure générale a recueilli près de 200 000 signatures.
Le souverain vient souvent
Il s’agit de la 20e visite au Canada du roi Charles III. La précédente a eu lieu en mai 2022, dans le cadre des célébrations marquant le jubilé de platine de sa mère, la reine Élisabeth II. La reine elle-même a séjourné au pays 22 fois. Dans l’ensemble, les membres de la famille royale sont venus au Canada plus de 250 fois depuis le début du 20e siècle, à nos frais.

Le Québec évité
Le Québec est rarement dans les plans des visites royales. La reine Élisabeth II y a mis les pieds pour la dernière fois en 1987. Précédemment, sa visite d’octobre 1964 avait été contestée par des manifestations violemment réprimées par la police. C’était le tristement célèbre «samedi de la matraque». En 2011, le prince William et son épouse, Kate, nouvellement mariés, ont été accueillis par des «À bas la monarchie!» et «Parasites, go home!» à Montréal et à Québec.
Le roi appelé au secours face à Trump
Mark Carney a demandé personnellement à Charles III de venir prononcer le discours du Trône à titre de défenseur du pays, au moment où la souveraineté canadienne est mise à mal par le président américain, Donald Trump.
«Le Canada a un défenseur inébranlable en la personne de son souverain», a déclaré le premier ministre en annonçant la visite royale, au moment où Donald Trump répète sa volonté de faire du Canada le 51e État des États-Unis.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Sophie Durocher, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Pour Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval, «ça montre que le Canada est dans ses derniers retranchements par rapport aux États-Unis».
Le discours du Trône n’a pas été prononcé par un monarque depuis 1977. La reine Élisabeth II l’avait alors lu dans le cadre de la tournée soulignant ses 70 ans de règne. Elle l’a aussi prononcé en 1957, lors de sa première visite au Canada en tant que reine. C’était la première fois qu’un monarque ouvrait la législature canadienne.

Pour M. Carney, «cet honneur historique est à la mesure des enjeux de notre temps».
Mais M. Taillon est plutôt d’avis que: «Réaffirmer la souveraineté canadienne par la figure de ce qui a incarné depuis toujours une tutelle étrangère, une tutelle coloniale, c’est un peu paradoxal. Ça montre que le Canada a toujours eu un peu de difficulté à assumer pleinement sa souveraineté.»
Dans la même veine, le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, y est allé d’une comparaison: «C’est comme si on disait [au président américain, M. Trump]: “Écoute, Donald, on ne peut pas devenir tes sujets. On est déjà ceux de ce gars-là!”»
- Avec la collaboration de Philippe Langlois