[PHOTOS] Nous avons déjà eu une voiture 100 % québécoise : la Manic GT était construite au Québec à la fin des années 60
168 exemplaires ont été produits dans les usines de Terrebonne et Granby


Mathieu-Robert Sauvé
Au Salon de l’auto sport de Montréal de 1969, la vedette de l’heure est la Manic GT, une voiture sport dont le design rappelle l’Aston Martin de James Bond. Sa particularité: elle est entièrement conçue et fabriquée au Québec.
Entre 1969 et 1971, pas moins de 168 exemplaires de cette auto sport trouveront preneur chez les concessionnaires à partir de l’usine de Granby.

«Très différente des véhicules américains que l’on croisait à l’époque, la Manic GT est un petit coupé sport qui se démarquait par ses solutions techniques avant-gardistes et sa grande légèreté grâce à sa carrosserie en fibre de verre», peut-on lire dans le Guide de l’auto 2020, qui revenait sur le modèle québécois dans sa série «Voitures anciennes».

Idée impensable
Parmi les personnes qui peuvent le mieux parler de la Manic GT, on trouve le député fédéral Gérard Deltell, qui en a acquis trois en 2019 afin de s’en rafistoler une, qu’il a conduite en 2022 jusqu’à Manic-5, le barrage hydroélectrique qui lui doit son nom. Un périple de 1400 km qui s’est déroulé sans aucun pépin.

Le politicien a été séduit non seulement par les courbes aérodynamiques du bolide, mais aussi par le parcours de son créateur. Cet homme, Jacques About, «est parti d’une feuille blanche et a réussi à produire localement une automobile dans une chaîne de montage, une première canadienne après-guerre», lance M. Deltell par téléphone au Journal.

Prenant une pause dans la campagne électorale qui bat son plein, il souligne qu’on «peut être fier» de cette prouesse technologique qui serait impensable aujourd’hui, compte tenu de la complexité des composantes électroniques des voitures actuelles.
Entre Mustang et Camaro
Conceptuellement, la Manic GT est née dans un garage de Longueuil où Jacques About, un Français qui avait travaillé pour Renault, nourrit l’idée de doter le Québec d’une auto adaptée à son climat et à sa culture.

Après avoir dessiné le modèle, il assemble un prototype qui intègre de nombreuses pièces mécaniques du fabricant français, dont le châssis et le moteur de la R8. Le carnet de commandes ne tarde pas à s’allonger, surtout à partir du Salon de 1969, où la voiture exposée aux côtés des Mustang et Camaro.
Bombardier, Steinberg et la Banque Nationale injectent plus de 1,5 M$ dans l’aventure. Il ne reste plus qu’à assembler le tout dans une ancienne usine de meubles de Terrebonne, puis à Granby, où on veut relancer l’emploi. Un concessionnaire américain était prêt à en réserver 1000 exemplaires.

Malheureusement, l’aventure sera de courte durée, l’entreprise n’ayant pas les reins assez solides pour concurrencer les majors américaines. En 1971, c’est la fin.
Tout juste une quinzaine d’exemplaires roulent toujours sur nos routes. Gérard Deltell s’apprête à sortir la sienne, la «numéro 104», qui cumule environ 2000 km par an, dès que le printemps sera bien installé.

Combien vaut cette merveille? «Impossible à dire. Mais une chose est sûre: elle n’est pas à vendre», affirme-t-il en riant.