Cour suprême: Mike Ward a livré son dernier numéro contre Jérémy Gabriel

Michael Nguyen
L’humoriste Mike Ward a joué sa dernière carte lundi en Cour suprême dans l’espoir de ne pas avoir à verser un sou à Jérémy Gabriel, plus de 10 ans après s’être moqué du jeune chanteur handicapé dans ses spectacles.
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« Limiter la liberté d’expression, dans une société de “cancel culture” aurait un effet de frilosité, plus personne n’oserait parler », a lancé l’avocat de Ward, Julius Grey, lundi, afin de faire invalider la décision du Tribunal des droits de la personne condamnant l’humoriste à verser 35 000 $ au chanteur Jérémy Gabriel.
L’avocat de l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour, Walid Hijazi, a pour sa part rappelé juste après que « le terrain de jeu d’un humoriste doit être le plus large possible » et que selon lui, multiplier les entraves à la liberté d’expression mènerait à de l’autocensure.
Cette affaire pourrait avoir un impact important sur l’humour au pays, mais aussi sur la liberté d’expression en général.
Tout a débuté en 2010, quand Ward s’en était pris au « petit Jérémy » dans un de ses spectacles d’humour noir. À l’époque, M. Gabriel était un adolescent et était surtout connu pour avoir chanté devant le pape Benoît XVI.
Or, pour dénoncer les « vaches sacrées » de qui on ne peut se moquer, Ward avait consacré plusieurs « blagues » sur le jeune artiste, notamment sur sa maladie causant une déformation du crâne et du visage.
En trois ans, le spectacle a été présenté 230 fois.
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Pas un héros
Avocat
« Même s’il a été choisi pour sa notoriété, les propos ciblaient son handicap, a plaidé Me Stéphanie Fournier, qui représente la Commission des droits de la personne. Mike Ward n’avait pas le droit d’humilier Jérémy Gabriel sur la base de son handicap, c’était la limite à ne pas franchir. »
Me Grey a argué que son client avait mis M. Gabriel « sur un pied d’égalité » en se moquant de lui comme il l’a fait avec d’autres personnalités, mais cela a plutôt fait bondir les juges de leurs chaises.
« Oh ! Voyons ! » s’est exclamée l’une des juges, tandis qu’un autre a rappelé que Mike Ward « n’est pas un héros ».
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Dignité
Pour sa part, l’avocat représentant le clan Gabriel a rappelé que « derrière les décisions des tribunaux, il y a des humains ».
« Je ne crois pas qu’on puisse aller marchander la dignité humaine », a plaidé Me Stéphane Harvey, en notant que le préjudice qu’a subi Jérémy Gabriel était survenu durant son enfance et son adolescence, alors qu’il cherchait à façonner sa personnalité.
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Après une demi-journée à entendre des plaidoiries sur des aspects techniques de droit, tout en nuances, la Cour suprême a pris la cause en délibéré.